La fondation de Saint Aubin au XIème siècle par les seigneurs de Bazouges est connue par une charte de l’an 1008. Nous sommes alors sous le règne de Henri 1er, troisième roi de France de la dynastie des capétiens directs, puis de son fils -dont la mère est la princesse russe Anne de Kiev-, Philippe 1er, quatrième roi de France. Elle se fonde peut-être à l’emplacement d’une église encore antécédente. Les seigneurs de Bazouges la confient à l’Abbaye bénédictine Saint Serge d’Angers à la fin du XIème siècle, ainsi qu’on en retrouve encore la trace au sein du cartulaire de l’Abbaye. Elle doit ainsi naturellement son nom à Aubin d’Angers, évêque d’Angers du VIème siècle. C’est ainsi qu’aux prêtres succédèrent un temps les moines du Prieuré du Creux, sis sur la rive gauche aux environs de l’actuel terrain de sport, puis à nouveau des prêtres séculiers pour desservir l’Eglise. Eglise paroissiale primitive, puis prieuré, puis retour à l’église paroissiale.
L’église romane du XIème et du XIIème siècle
Construite selon la tradition romane angevine, l’église, plus vaste, que nous connaissons est en majeure partie du XIIème siècle – aux alentours de 1160-1180 – par son chœur, sa tour de croisée et sa tour d’escalier adossée, son transept avec les absidioles et son remarquable portail du mur ouest : le plein cintre est formé de rouleaux droits alternativement moulurés d’un tore, décorés de denticules aigues et d’oves.
Le petit appareil au bas du chevet de l’église remonte très probablement à l’église du XIème siècle.
Mais la nef à vaisseau unique aux proportions vitruviennes (10 m x 20 m) de cette église angevine à clocher de croisée aux proportions vitruviennes, en aurait été élargie au XVème siècle (confère infra sur cette hypothèse) : En 1728, un ouragan renverse la flèche du clocher, nécessitant dans l’urgence la reconstruction du sommet de la tour du clocher (confère infra) et sa couverture « provisoire » par un toit pyramidale : un provisoire « à la Française » qui perdure près de trois siècles après l’ouragan. Et qui, faute de dessins, gravures permettant de restituer la forme initiale, mais également au regard de la règle des Monuments Historiques limitant les restaurations subventionnables à l’état de l’édifice à la date de l’inscription (1862), risque d’encore perdurer.
Si le passage du temps l’a fait évoluer, son économie initiale est encore clairement visible : l’édifice se compose d’une nef unique associée à un chevet à absides en hémicycle et d’une croisée du transept supportant un clocher massif.
Le plan roman est classique, en croix latine, symbolique du Christ en croix, l’abside figurant la tête, le transept représentant les bras et la nef le corps. Les deux chapelles latérales construites au XVIIème siècle, celle au septentrion en 1645, celle au midi lui faisant pendant mais de dimensions plus importantes, en 1673 ne viennent pas perturber ce pan initial. Tout juste rendent-ils moins lisibles le rôle des deux passages latéraux, dits « passages berrichons » du fait de leur extrême fréquence dans les églises de cette province. Ces passages avaient pour vocation de gagner les croisillons sans emprunter la croisée, ce qui fluidifiait la circulation des fidèles lors des offices lors de la communion, partage de l’hostie consacrée par l’officiant lors de la célébration de l’eucharistie ; les fidèles invités à se rendre vers l’autel pouvait regagner la nef par les passages latéraux.
Les deux points qui restent encore fortement hypothétiques sont :
Il convient de noter que l’effet de verticalité du jeu de colonnettes des ouvertures du clocher, et la présence d’une voute d’ogives à la croisée constituent deux apports gothiques dans la structure globalement romane de l’édifice.
Les grands repères dimensionnels de saint Aubin
Un édifice spirituel avant d’être un monument historique
L’inscription précoce sur la liste de 1862 des Monuments Historiques, aussi éminente et importante soit-elle pour Saint Aubin, ne doit pas celer les 800 ans de son activité spirituelle antécédente, au cœur de la vie locale, avant même les châteaux de Bazouges et de la Barbée. C’est autour d’elle que s’est construit le village et non autour des châteaux féodaux qui s’en disputaient la possession. Elle était chose commune. On ne sait si la tradition selon laquelle, autre forme de la tripartition des fonctions chère à Georges Dumézil, les prêtres finançaient la construction du chœur, les nobles ou notables locaux celle de la nef et le peuple celle du clocher. Mais les deux chapelles septentrionales et du midi ont été le fruit d’une libéralité privée de notable pour l’une, d’une souscription populaire pour l’autre.
Une église de village comme Saint-Aubin, avant d’être un monument historique est un lieu spirituel, reliant le monde à la Cité du Ciel. C’est déjà ce qu’illustre son portail : les dentelures des archivoltes, les animaux fantastiques affrontés des chapiteaux des piliers adossés, les mascarons grimaçants qui surplombent symbolisent le monde terrestre extérieur où règne le mal, les oves douces de l’archivolte inférieure encadrent la porte étroite de l’église qui ouvre sur le ciel.
Mathieu 7. 13/14 : « Entrez par la porte étroite. Car large est la porte, spacieux est le chemin qui mènent à la perdition, et il y en a beaucoup qui entrent par là. Mais étroite est la porte, resserré le chemin qui mènent à la vie, et il y en a peu qui les trouvent. »
Enfer et paradis se côtoient mais se distinguent à l’orée de Saint-Aubin. Pour les fidèles bazougeois médiévaux, la lecture des sculptures du portail est une Biblia pauperum, un livre d’images qui dispense de la lecture des textes en latin. Les cérémonies qui rythment, du berceau au tombeau, l’existence des hommes et des femmes de Bazouges s’inscrivent dans cette dualité : la régularité millénaire des messes dominicales pour les fidèles, mais également les moments heureux familiaux des baptêmes, communions et mariages, enfin les moments de tristesse partagée, lorsque la communauté accompagne ses disparus. Une plaque extérieure, au midi de la muraille extérieure, rappelle ainsi le souvenir de deux victimes d’une épidémie de peste au XVIIème siècle.
Depuis plus d’un millénaire, combien de constructions humaines peuvent-elles se targuer, à notre époque, de perdurer au travers des siècles et d’avoir traversé autant de régimes et de révolutions ? Le grand historien Camille Jullian le rappelait à l’orée du XXème siècle : Une église, c’est ce qu’il y a d’ordinaire, de plus ancien dans le territoire de nos communes. Depuis le XIème siècle, l’église Saint-Aubin rassemble les membres de la communauté et des hameaux et lieux dits du territoire de Bazouges; elle les appelle de ses cloches aux jours de joie ou les ameute aux jours de péril, au son du tocsin, sur les deux rives du Loir. Les deux cloches rythment les heures de la vie quotidienne d’une communauté rurale vivante. Les heures mais également la sonnerie prolongée de l’angelus qui fait naitre et mourir le jour écrit le poète Adrien Mithouard, propriétaire à la fin du XIXème siècle du château de Bazouges.
La construction du pont de Bazouges, achevée en 1858, sous le Second Empire, a notamment permis aux Bazougeois de la rive sud d’assister aux cérémonies religieuses en palliant les aléas du bac, en hiver et en période de crue du Loir.
La pierre banale, ce petit édifice à escalier sur la façade de la place commerçante, a servi de tribune aux héraults des seigneurs de Bazouges pour communiquer les décisions de justice, et aux garde-champêtres qui leur ont succédés, pour annoncer les décisions locales, faire connaitre à la population les adresses des édiles aux autorités, proclamer les lois promulguées, informer des évènements heureux et des révolutions de Paris.
Saint Aubin, en son édifice, symbolise et fait résonner les temps présents et passés dans leurs heurs et malheurs, au cœur de la condition villageoise et de la vie rurale qui l’enceint, justement enviée pour la richesse de sa dimension humaine. Elle incarne, par-delà les croyances et les convictions, la continuité de la communauté de Bazouges, en ses morts, ses vivants et ceux à naitre. Le Bazougeois Adrien Mithouard, qui pensait que rien n’est devenu bon que peu à peu, le traduisait ainsi : la collaboration des siècles dans leur continuité raisonnable.
La loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905 succède au Concordat qui avait tenté d’apporter une solution consensuelle au désordre religieux né de la Révolution Française. Elle a confié la garde des églises aux communes ; mais bien avant, et les compte rendus des conseils municipaux de Bazouges et de Cré le confirment, les édiles locaux se sont préoccupés, aux côtés du conseil de Fabrique, de leur entretien, de leur modification. Ainsi, le 6 février 1853, le conseil municipal de Cré est saisi par M. le Curé d’un projet d’agrandissement de l’église paroissiale ; il y répond très favorablement, attestant de la nécessité des travaux, des collaborations locales et des réflexions afférentes à la gestion d’un tel projet : « Le Conseil, après avoir pris connaissance des travaux projetés et de leur évaluation, les a trouvés parfaitement appliqués aux besoins si pressants depuis [de]longues années. En conséquence, il approuve à l’unanimité les plans et devis dans tout leur ensemble. Et dans le désir de voir tout le travail s’exécuter à la fois, il est d‘avis de s’entendre avec le Conseil de fabrique pour demander au gouvernement un secours […] ».
Le Conseil municipal de Bazouges s’inquiète, sinon renâcle à l’annonce de cette Loi. Dans sa délibération du 25 juin 1905 (Registre des délibérations de Bazouges du 1er juin 1892 au 25 juillet 1892, page 147), le Conseil émet un vœu : elle demande le maintien du Concordat « et que si des modifications paraissent nécessaires, elles soient l’objet d’une entente entre le gouvernement français et le Saint-Siège ». La crainte religieuse revêt les habits de la crainte financière dans la rédaction du texte ; la commune se présente comme « attachée aux principes et à la pratique de la religion, la nécessité de pourvoir au traitement du desservant de la paroisse et aux dépenses de culte. » Cet habillage ne suffit pas : le Comte de la Selle, maire de Bazouges et à l’origine de la proposition de vœu, est contraint de raturer cette délibération et ajoute la note marginale suivante : « Le vœu ci-contre a été annulé par arrêté préfectoral du 17 juillet 1905, rendu en Conseil de Préfecture ». Et cependant le Conseil considérait que cette loi, par ses conséquences relevait bien de ses compétences locales (article 61 de la loi du 5 avril 1884) au regard des conséquences qu’elle avait sur la communauté.
C’est en effet une charge éminente, et difficile à gérer et supporter pour une commune. Maurice Barrès, écrivain, député, ami proche d’Adrien Mithouard, propriétaire, dès 1910, du Château de Bazouges, donne raison au Conseil municipal de Bazouges. Il a justement conduit, de 1910 à 1914, une campagne politique pour lutter pour la défense des églises de France menacées de ruine par le caractère abrupt de la loi de 1905 qui en vouait une partie à la désaffection du culte ou à la démolition. De tout temps, nos églises sont faites aux épreuves, écrivait Barrès, elles sont au premier rang de nos richesses de civilisation, ajoutait-il, nous les avons reçues de nos aïeux, nous devons les transmettre à nos fils.
Cette immense végétation d’églises, œuvre des siècles, est une des plus profondes et permanentes pensées des territoires. C’est autour de l’église de village que s’est déployée chaque communauté. Pour ces raisons, Barrès se refusait à ne retenir que les églises remarquables au détriment de la plus modeste des églises de village : la moindre église rurale enrichit la vie locale et constitue, pour ceux-là même qui la regarde du dehors – les non croyants- une valeur spirituelle. Barrès publie en 1913 Autour des églises de village pour manifester l’importance de ces églises rurales ; il renchérit en publiant, toujours en 1913, un Tableau des Eglises rurales qui s’écroulent, où il liste, diocèse par diocèse, les églises en grand péril avec les réparations demandées et une évaluation des coûts.
Cette campagne, relayée par la presse et par des écrivains comme Péladan (Nos églises artistiques et historiques, 1913) résumée dans son ouvrage La Grande Pitié des Eglises de France, a engendré de nombreux débats à l’époque, mais a fait également émerger une prise de conscience de la
nécessité de préserver ces lieux rares et si proches des corps et des âmes. Un enjeu de spiritualité, de poésie, pas uniquement de patrimoine. Construction de pierre et construction spirituelle. De la droite à la gauche, de Maurice Barrès au leader socialiste Marcel Sembat en passant par Edouard Herriot le radical, si l’on s’échauffe sur les solutions, on se rencontre sur le même constat d’urgence. Car l’enjeu est majeur, traverse les époques, dépasse les clivages d‘idées et renait
régulièrement ; Michel de Saint Pierre, dans son ouvrage « églises en ruine, Eglise en Péril » prend le relai de Barrès en 1973. Le temps use les édifices tout en accroissant leur valeur patrimoniale. Conserver, préserver, restaurer ce patrimoine commun de la communauté et de ses ancêtres, maintenir ce qui constitue le cœur vivant du village et son identité depuis un millénaire est une urgente et ardente nécessité.
Bibliographie
BARRES Maurice : Pour nos églises. Paris Société des Trente, Albert Messein, 1912, tirage 530 ex.
BARRES Maurice : Autour des églises de village. Paris Société des Trente, Albert Messein, 1912, tirage 530 ex.
BARRES Maurice : Tableau des églises rurales qui s’écroulent. Paris, Ancienne Librairie Poussielgue, J de Gigord éditeur, 1913.
PELADAN Joséphin : Nos Eglises artistiques et historiques. Paris, Fontemoing et Cie éditeurs, 1913.
BARRES Maurice : La Grande Pitié des Eglises de France. Paris, Emile Paul Editeur, 1914
SAINT PIERRE (de) Michel : églises en ruine Eglise en péril. Plon, 1973
Les matériaux de construction et de couverture …
Les élévations du clocher, les ouvertures et les contreforts sont appareillés en pierre de tuffeau, tandis que le reste de l’édifice est construit en moellons assisés recouverts d’enduits. L’appareillage en petits moellons du chevet permet de dater cette partie du XIème siècle, voire antérieurement.
Sept natures de pierres ont été utilisées pour sa construction et celle de ses décors monumentaux (retables) : la pierre de tuffeau, un calcaire ligérien blanc et la pierre des Rairies voisines, un calcaire jaune clair et très dur ; du granite de Bretagne et du Maine et Loir ; du gypse, une roche sédimentaire ; du grès de Mayenne ; du marbre des Pyrénées, du Portugal, d’Italie … et du marbre noir de Sablé sur Sarthe.
Placé en frontière des pays d’ardoise et de terre cuite, héritière des couvertures gallo-romaines tuilées puis de l’ancien diocèse angevin ardoisé, Saint-Aubin a longuement hésité : la couverture médiévale initiale était constituée de tuiles creuses (couvrantes et courantes) fabriquée à la main sur moule de bois, maçonnées « à bain de mortier », et l’empreinte qui en subsiste sur l’extrados des voutes constitue un témoignage archéologique extrêmement rare de cette première couverture. La présence proche des Rairies au Sud de Bazouges, village de tuiliers fabriquant des tuiles creuses en « moulage sur cuisse » montre combien ce type de tuile, et plus largement de la terre cuite de terroir, est localement enraciné.
Lors de la restauration de la toiture de la nef, en 1995, les Monuments Historiques ont souhaité restituer un aspect visuellement plus clair de la toiture en recouvrant la nef de 4 types de tuiles plates.
Le service archéologique du Conseil Général du Maine et Loir a manifesté en avril 2006 son intérêt pour ces vestiges bazougeois après avoir étudié des vestiges semblables au sein de l’église Saint Jean Baptiste d’Huillé (distante de 12 kilomètres). Les deux églises dépendaient de l‘ancien diocèse d’Angers et de l’Abbaye Saint Serge d’Angers. L’intérêt de Saint Aubin de Bazouges est la présence d’une charpente médiévale datée du XIIIème siècle par dendrochronologie (1222, plus précisément dans le dossier CRMH). Les travaux du service archéologique du Maine et Loire, qui ont pu accéder à la voute de Saint Aubin, ont permis de compléter, par comparaison, l’étude faites à Bazouges et de la resituer dans un environnement historique et géographique plus étendu.
Une étude permettant de comparer les deux édifices a été publiée dans le Bulletin Monumental en 2007 : https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_2007_num_165_3_1466#bulmo_0007-473X_2007_num_165_3_T1_0235_0000 .
Pour en savoir plus sur la continuité des tuiles romaines et des tuiles du Moyen-Age, confère https://journals.openedition.org/rao/3510 : Bazouges est évoqué au paragraphe 35.
A Bazouges, au cours des temps, l’ardoise fine angevine a donc peu à peu (et probablement tardivement) remplacé la tuile primitive puis la tuile plate. Il est à noter que nombre de maisons de Bazouges présentent la particularité de posséder un versant de toit en tuiles et un autre en ardoise, illustrant le caractère frontalier de Bazouges entre Maine et Anjou au travers de ces deux matériaux de couverture. Lors des travaux de mise hors d’eau et de restauration de la couverture de la nef en 1993 et 1994, il est décidé (Mme Schmuckle-Mollard, architecte en chef des Monuments Historiques) de recouvrir cette dernière avec des tuiles plates. Sont utilisée alors des tuiles de Bavent, modèle « Chaumière » dans la proportion de 35% de l’ensemble, des tuiles de Blavent modèle « Drakar » pour 35%, des tuiles de chez Blache pour 15%, enfin des tuiles de Quercy ou de Figeac à hauteur de 15%.
Les formes de couvertures….
L’abside et les absidioles sont couvertes par des toits en croupe ronde. Le clocher est couvert par un toit en pavillon (« provisoire » , après la tempête de 1728 qui a provoqué la chute de la flèche originelle). Il est distribué par un escalier en vis inscrit dans une tourelle couverte d’un toit conique. La nef est couverte par un toit à pignon découvert (c’est-à-dire se prolongeant au-dessus des versants des toits) qui date de la restauration d’Henri Lafillée en 1900, comme en atteste la photo suivante de 1890, comparée à l’état actuel et à celui des cartes postales depuis le début du XXème siècle.
Les modifications et restaurations à travers les temps…
L’Eglise Saint Aubin a certes subi des modifications au cours des siècles, sans que cela n’entache ou ne cèle le plan initial de l’église. Les principales étapes connues au travers des sources sont résumées ci-dessous, l’intensification des campagnes de réparation, rénovation, restauration au XIXème et XXème siècle n’étant que la résultante de l’amélioration et de de la proximité des sources documentaires : le travail de recherche se poursuit !
(Abréviations : RDCM : Registre des délibérations du Conseil Municipal de Bazouges ; BADP : source Bibliothèque et Archives de la Direction du Patrimoine)
XIIème siècle :
XVème siècle
XVIème siècle
XVIIème siècle
XVIIIème siècle
XIXème siècle
Fabrique 3050 Fr, Comte de la Selle 6000 F ; Commune 4000 F : emprunt à la Caisse des Dépôts et Consignations sur 15 années et demande de subventions auprès de l’Etat et du Département à hauteur de 6523, 79 F : « A l’appui de la demande, le Conseil fait valoir l’urgence des travaux et la nécessité de ne pas laisser tomber en ruine cette remarquable église classée parmi les monuments historiques ».
XXème siècle
Le projet de Cœur de Bourg
Il vise à compléter les tranches de restauration de la couverture de 1993 et 1994 qui concernaient principalement la nef et à préserver le portail roman.
Il part d’un constat très visuel : en levant les yeux sur l’Eglise Saint-Aubin en fin 2022, on pouvait observer, entre les trois magnifiques croix antéfixes qui lui servent de cimier au Nord, au Midi et à l’Occident, l’emmoussement de la toiture. Cœur de Bourg y a remédié dans l’urgence en fin janvier 2023, grâce à un financement municipal ; mais on distingue également le mauvais état subsistant, notamment des toits des chapelles latérales, des absidioles et du clocher, toutes parties qui n’ont pas été reprises lors de la mise hors d’eau de la nef : la couverture en tuiles remplaçant la couverture en ardoise, la restauration des arases et des chevronnières et la reprise de charpente ont été effectuées entre juin 1993 et septembre 1994. L’attention doit être attirée sur le fait que ce sont les parties romanes subsistantes de l’édifice, du XIIème voire du XIème siècle transept avec ses deux absidioles orientées, le chœur, l’abside et la tour de croisée portant le clocher qui sont ainsi mis en péril par les infiltrations. Cela comprend la jonction avec la nef, et par conséquent le début de la charpente lambrissée peinte et historiée.
En franchissant le portail du mur Sud, on conste l’érosion des motifs de cette merveille de l’art roman du Maine angevin. Le clos et le couvert atteint, ce sont les peintures du XVIème siècle, exceptionnelles, de la voute, les boiseries et revêtements intérieurs, les retables et leur statuaire du XVIIème dont la dégradation est inexorable s’il n’y a pas d’intervention, notamment, dans un premier temps, sur la toiture. Il faut également procéder aux études historiques et physiques qui permettent d’assoir une restauration de qualité, dans les règles de l’art, déterminant les priorités et offrant aux habitants de Bazouges Cré sur Loir la possibilité de mieux connaitre l’une de leurs deux églises paroissiales et d’assoir leur légitime fierté.
Car c’est bel et bien une merveille architecturale et picturale, le berceau de notre communauté rurale, qui se trouve depuis mille ans au cœur de Bazouges. Ce n’est pas sans raison que le grand écrivain Prosper Mérimée, familier de la famille résidant alors au Château de Bazouges, a contribué au classement l’Eglise dans son entièreté, en tant que Monument Historique, protection de niveau national tant pour son intérêt historique qu’artistique et architectural, dès 1862. On ne retrouve pas hélas le récit qu’il a pu en faire dans ses Note de voyages publiées de manière incomplète.
Les sources
Les historiens de Bazouges, notamment Sébastien de la Bouillerie en 1884 dans un fort ouvrage, réédité depuis, Bazouges-sur-le Loir, son église et ses fiefs, le docteur René Buquin dans son livret de 1958, Bazouges-sur-le Loir, son église, son château, enfin, pour brosser son environnement de maisonnées et de fiefs, Gérard d’Ambrières dans sa monographie de 1992, Le Bourg de Bazouges au XVIème siècle, ont posé les bases connues de son histoire et de son environnement historique et bâti immédiat. Hélas, l’ouvrage remarquable de Jacque Mallet, L’art roman de l’ancien Anjou (1984), ne lui rend pas entièrement justice : il ne note, par exemple, que l’une des trois croix belles croix antéfixes, toutes différentes de forme, qui parachèvent les pignons : à juste titre, celle du midi, très probablement romane ; il ne souligne que la rareté, sur ce territoire, des très beaux passages latéraux, dits « passages berrichons », qui permettaient une déambulation plus aisée des fidèles dans la configuration initiale : les deux chapelles latérales accolées au transept, construites au XVIIème siècle, n’existaient pas.
Environnement
Ancrée sur la rive droite du Loir, l’église Saint Aubin est édifiée au confluent de la Rue Basse, actuelle Rue du Château, la rue la plus antique de Bazouges, épousant la courbe de la rivière, et de la Rue du Maine, plus récente, au rectiligne classique : le Chemin de Durtal à la Flèche de la Rue Basse se mue en Grand Chemin de Paris à Angers devenu la Route de Paris à Nantes qui fit la fortune commerciale du village. Saint-Aubin fut l’objet au cours des temps de bien des contentieux entre les seigneurs de Bazouges et ceux de la Barbée qui édifièrent à proximité leur poteau de justice pour marquer leur territoire. La rue Juive, à proximité de son chevet, rappelle probablement la protection que l’Eglise apportait à la synagogue. C’est là, encore de nos jours, pour les Bazougeois, qu’est placé et nommé le Bourg ou le Vieux Bourg.
Il faut imaginer cette église, du Moyen-Age aux temps modernes, avec son ruisseau-frontière aujourd’hui disparu ou au cours devenu souterrain sous dalot, la Daufardière, délimitant les hautes juridictions de la Flèche sont dépendait le château de Bazouges et de Durtal dont dépendait le château de la Barbée ; faisant ainsi frontière entre les sénéchaussées de Baugé et de La Flèche, issue des eaux vives du côteau, le ruisseau passait devant le porche et laissait à l’orient de sa rive l’Eglise à Bazouges. Ces frontières naturelles étaient particulièrement respectées, de temps immémorial. Le ruisseau se jetait dans le Loir en contrebas, formant ainsi le troisième port de Bazouges avec le port Mahon et le port du Château, le port Fauveau.
Figure 1 Photo de Bazouges, église saint aubin, le 2 juin 1908 ( Coll. priv. JCGF)
On ne peut que trop souligner la proximité immédiate du Loir par ce chemin, public alors, qui aboutit rue Basse juste en face du portail roman de l’église. Les maisons qui bordent à l’est ce chemin, et très probablement le chemin lui-même appartenaient d’ailleurs au XVIème siècle (Gérard d’Ambrières) au fief de la Cure. Cette liaison directe de l’Eglise et du Loir mérite d’être approfondie.
Le cimetière d’origine se situait encore en 1770, au Nord sur la place actuelle, qui fut ensuite bâtie puis débâtie, la tour du Pilori étant un vestige d’un escalier extérieur de maison détruite ; mais on retrouve également les cimetières, à l’occident, devant le portail et le parvis, au midi, à l’emplacement de la sacristie.
La contenance de l’église
Les 50 bancs numérotés à 7 places, dont les premiers ont été retirés lors de l’installation du nouvel autel, autorisent 350 places assises, auxquels devaient s’ajouter les chaises dans les chapelles collatérales.
Saint-Aubin permet d’accueillir actuellement 300, voire 350 personnes avec sa tribune en bois, il faut imaginer que l’église pouvait recevoir auparavant, au Moyen-Age, une assistance beaucoup plus nombreuse : elle était alors entièrement dépourvue de bancs et c’est la communauté villageoise presque en son entier qui pouvait s’y tenir debout. Pour rappel, au Moyen-Age, on édifiait une église pour 200 fidèles, ce qui explique « le blanc manteau d’églises » rapporté par le moine et chroniqueur bénédictin Raoul Graber au début du XIème siècle au début du 4ème chapitre du Livre 3 de ses Historiarum libri quinque ab anno incarnationis DCCCC usque ad annum MXLIV (Cinq livres d’histoires depuis l’an 900 après l’Incarnation jusqu’en l’an 1044) . C’est bien l’époque de construction de l’église première de Bazouges, l’époque de la Paix de Dieu. Blanc manteau d’église est toutefois une superbe formule rhétorique, car au revers du manteau, à l’intérieur de l’église, voire sur les sculptures extérieures des tympans, régnait souvent la polychromie la plus chatoyante et la plus rutilante.
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