L’église Saint Aubin abrite -encore- trois retables.
La symétrie et l’homogénéité des retables de l’abside et des absidioles, leur état de conservation – ils ont notamment été restaurés au XIXème siècle – ainsi que celui de leur statuaire, contribuent hautement à l’unité et à la cohésion de la décoration intérieure de Saint-Aubin. C’est une trilogie très rare et de haute futaie que cette unité de style de l’ensemble des retables, au sein d’une église.
Si les premiers retables, souvent non monumentaux s’élèvent du XIIe au XVe siècle, une forte évolution, notamment de la statuaire s’effectue au XVIe siècle. Mais les trois retables subsistants de l’église Saint Aubin remontent au XVIIe siècle. Ils sont typiques des retables lavallois, de style maniériste et/ou baroque, dont l’aire de dispersion couvre le Maine, l’Anjou, la Bretagne et l’ère de propagation tout le XVIIe et le début du XVIIIe siècle.
Cette unité de style et le caractère monumental et architectural des trois retables expliquent probablement qu’ils aient échappé aux grandes périodes de destruction, vandalisme ou renouvellement des modes de décoration religieuse : postérieurs aux guerres de religion, fruits matures de la renaissance tridentine (concile de Trente 1545-1563), ils ont été préservés du vandalisme révolutionnaire, et ont esquivé les évolutions de décoration de la fin du XIXe siècle. Du moins pour les trois retables subsistants.
Les passages berrichons reliant la nef au transept permettent encore aujourd’hui à l’assemblée des fidèles d’apercevoir les deux retables des absidioles, le retable de la Vierge et le retable de Saint Joseph (retable de Saint Pierre, avant le XIXème siècle).
Les textes ne nous ont pas encore révélés ce qui précédait ces retables associés aux autels : Tout au plus peut-on constater qu’ils ont profondément modifié, l’économie de la lumière dans les trois absides et absidioles, en masquant, voire en conduisant à occulter, les baies situées à leur revers : il faut voir là une piste d’explication à la présence de vitraux principalement aniconiques, c’est-à-dire non historiés, permettant d’accroitre l’apport de lumière suite à l’occultation des baies à l’arrière. Les vitraux sont contemporains de l’installation des retables, contrairement aux deux vitraux historiés qui datent du XIXème siècle.
Les deux retables en pierre des absidioles présentent une structure et une architecture similaire qui milite pour leur attribution au même maitre-retablier. La forme concave de leurs ailes s’inscrit parfaitement dans la muraille courbe de l’absidiole ; le fronton brisé d’où s’élance la niche supérieure est typique de l’influence jésuite, qui mêle baroque (voire maniérisme) à titre principal (courbes, fronton brisé, pot à feu…) à quelques éléments classiques (chapiteaux composites, corinthiens..). L’influence du maitre-autel du Collège des Jésuites de La Flèche, œuvre en marbre polychrome (principalement du marbre noir de Sablé sur Sarthe) exécutée à partir de 1633 par le maitre retabler lavallois Pierre CORBINEAU, sur le projet d’un maitre de la stéréotomie du temps, François DERAND est manifeste ; elle est notamment lisible et visible dans le plan des ailes qui épousent les courbes de l’abside et dans l’occupation complète de cette dernière.
François DERAND est né le 2 février 1591 à Vic-sur-Seille en Moselle. Il est décédé le 29 octobre 1644 à Agde. Esprit vaste, il fut simultanément un prêtre jésuite, un mathématicien et un architecte français éminent du XVIIe siècle.
Après un noviciat des Jésuites de Rouen le 24 avril 1611, il rejoint le collège des Jésuites de La Flèche où il enseigne les mathématiques pendant deux ans.
Ordonné prêtre en 1622. Il réside d’abord à Rouen, puis à Rennes et intervient dans les travaux de reconstruction de la Cathédrale Sainte-Croix d’Orléans puis, en 1629, pour achever l’Église Saint-Paul-Saint-Louis (Paris) commencée par le frère jésuite Étienne Martellange.
Familier du Collège des jésuites de La Flèche, il supervise en 1633 l’exécution du maître-autel de l’église des Jésuites de La Flèche mené par Pierre Corbineau. Il publie en 1643 « L’Architecture Des Voutes, Ou L’art Des Traits Et Coupe Des Voutes Traicte Tres-util, Voire Nécessaire à Tous Architectes, Maistres Massons, Appareilleurs, Tailleurs De Pierre, Et Généralement à Tous Ceux Qui Se Meslent De L’architecture », son traité de stéréotomie qui lui apporte une juste renommée dans son siècle. Il meurt à Agde en 1644 et est inhumé au collège de Béziers.
Bibliographie
• P.Moisy: L’Architecte François Derand, Jésuite lorrain, dans Revue d’Histoire de l’Église de France, vol.36 (1950) pp.149-167.
• P.Moisy : Martellange, Derand et le conflit du baroque, dans Bulletin Monumental, vol.110 (1952), pp.237-261.
• P.Moisy: Les églises des Jésuites de l’ancienne Assistance de France, Rome, 1958, pp.131-141.
DES FRUITS DE LA CONTRE REFORME…
Ces trois retables de la seconde moitié du XVIIème siècle s’inscrivent avec leur statuaire dans la continuité du Concile de Trente et notamment du décret du 15 décembre 1563 portant sur l’invocation, la vénération et les reliques des Saints. Il ordonne notamment de rendre honneur aux images de la Sainte Famille et des Saints, codifiant les cultes de latrie dus à Dieu et à la Trinité, de dulie dus aux Saints et aux Bienheureux, d’hyperdulie, dus à la Vierge Marie. Ce, en réaction à la Réforme Protestante iconoclaste ou du moins idolophobe. On constate la continuité avec le portail roman et la Biblia Pauperum : des représentations à vénérer mais aussi destinés à apprendre.
La profusion harmonieuse des décorations des retables s’inscrit parfaitement dans la sobriété des absides et du transept roman.
Pierre, marbre, boiseries et jeux de lumière des vitraux aniconiques se conjuguent et se complètent.
L’édit royal de 1609 d’Henri IV, le « premier maçon du royaume », interdisant la construction de maisons à pans de bois provoque un essor des constructions en pierre et des métiers afférents au détriment des métiers du bois : le retable lavallois en pierre et marbre est bien un fruit du temps. Il est la manifestation matérielle de la Contre-Réforme et de sa sensibilité religieuse au XVIIe siècle : le fruit d’une Eglise catholique militante et triomphante, retrempée spirituellement dans sa foi et se relevant des ruines des guerres de religion. Là où l’église, monument, a été préservée, comme à Bazouges, c’est à sa décoration intérieure que s’attache l’esprit de la réforme catholique. Le retable est l’axe de cette restauration physique et spirituelle pas sa matérialité monumentale (on élève un retable) et le fruit de l’instruction par les images (peintures et sculptures en ronde bosse) et les symboles qu’il porte. Restaurer un autel indécent (sujet à la vétusté ou à une vénusté inappropriée de décor, c’est bien souvent élever un retable avec un programme d’images répondant à la dignité de l’enseignement souhaitée par le Concile de Trente.
La floraison des retables au XVIIe rappelle celle des églises au Moyen Age : au « blanc manteau d’églises » que revêt la France se substitue au sein de ces dernières les parures baroques des retables. La contre-réforme catholique du XVIIe issue du Concile de Trente (1545-1563) servira de règle commune aux catholiques jusqu’au Concile Vatican I (1869-1870).
La Contre-Réforme n’a pas inventé le retable, mais elle l’a disséminé dans les plus humbles paroisses rurales, le muant en vecteur de sa pensée et de son imagerie. Saint Aubin témoigne de ce qui n’est pas uniquement une réaction au protestantisme, mais une renaissance de l’Eglise catholique et une restauration de son autorité doctrinale au siècle de Louis XIII et de Louis XIV. Les retables de Saint Aubin témoignent de cette floraison, de sa force et de son exubérance contenue dans les lignes architecturales de cette élévation au-dessus des autels. La contre-table décore l’autel et déploie les images des cultes de latrie, de dulie et d’hyperdulie auprès des communautés populaires, notables et nobiliaires. Adoration du Christ, vénération des saints dans le prototype qu’ils représentent et non dans la statue auprès de laquelle on vient quémander une grâce païenne : De veneratione reliquiarum et imaginibus …
Si les choses sont claires en doctrine, elles le seront moins dans le culte quotidien des populations, notamment rurales qui aspire à une religion dévotieuse, et emplie d’intercessions ; c’est l’éternel dialogue de la Chapelle et de la Prairie évoqué par Maurice Barrès dans La colline Inspirée. Cette ambiguïté fera la force du retable et de ses images, statues et peintures centrales venant illustrer les textes bibliques, auprès du peuple épris de merveilleux, de saints thaumaturges ( les épidémies de peste sont encore proches dans les mémoires comme en atteste la plaque de Saint Aubin attestant de la présence de la maladie à Bazouges en 1638), et pour lequel ce bien commun qu’est le retable adorné, polychromé et doré, représente bien souvent la plus puissante émotion et fierté esthétique.
Au travers du retable, c’est un art de sensibilité qui est mis en place pour éveiller la ferveur et émouvoir la foi du peuple et de ses élites. Sortir de la médiocrité, voire de l’indigence, de la misère, du quotidien et s’élever à un autre monde par ces portails de la foi qui secondent les portails de l’église comme Porte du Ciel. L’église Saint Aubin, avec son merveilleux portail roman du XIIe, sobre mais inquiétant, et ses trois retables en harmonie, ostentatoires mais sévères, répond sur un millénaire et par des voies esthétiques différentes à ce programme d’enseignement, cette grande leçon iconographique du catholicisme : contemplatione picturae in memoriam reducant, c’est par la contemplation des images, que celles-ci se ramènent à la mémoire…
Le Concile de Trente (1543-1563)
Les retables des absidioles des années 1670 du sculpteur Nicolas Bouteiller, originaire de Mareil sur Loir, sont adornés, pour partie, de statues de saints, en terre cuite rosée par le même artiste. Une œuvre locale, par son auteur et ses matériaux, soutenue en son temps par un financement porté localement, ainsi qu’en attestent les comptes de la Fabrique, par les quêtes et les libéralités des paroissiens bazougeois. Il convient de rappeler que, comme pour presque toutes les terres cuites du Maine et de l’Anjou, des repeints ont été effectués au XIXème siècle, reprenant cependant les teintes initiales. Si le grand retable abritant le maitre autel est de style et de datation homogène avec les deux retables des absidioles, son origine et son auteur restent inconnus.
Trois statues de Saint-Aubin sont attribuables de manière documentée à Nicolas BOUTEILLER (1630-1696) : Les Saint Pierre, Saint Jean-Baptiste et Sainte Marthe présentés ci-après du retable sud, anciennement Chapelle saint-Pierre devenue Chapelle Saint-Joseph. Ce retable aurait abrité à l’origine un Saint Augustin à la place de Saint Jean Baptiste et une Sainte Madeleine (sans certitude selon Sébastien de la Bouillerie) en lieu et place de Sainte Marthe de Béthanie.
François Le Bœuf note quelques caractéristiques de cette statuaire : Elle pourrait être plus inspirée par l’artiste angevin Pierre BIARDEAU, notamment par la dynamique certaine de l’œuvre, que par les ateliers du Maine. La pose avec un mouvement contrarié du torse des trois statues sus-indiquées est à comparer avec la statique des autres statues de saint Aubin, anciennes ou sulpiciennes. Nicolas BOUTEILLER, fils de vignerons né à Mareuil sur le Loir, n’œuvra que dans un cercle territorial restreint autour de La Flèche, ce qui fait de lui un artiste de terroir.
Les statues sont cuites en une seule pièce, ce qui est rare en un temps où les statues (environ 1,20 m à 1,26 de hauteur étaient constituées de plusieurs morceaux (deux à quatre, trois le plus souvent) assemblés après cuisson dans des fours de potiers. Elles portent des évents d’évacuation des gaz de cuisson à l’arrière (un à deux) et/ou sur le haut de la tête. Ce point est conjugué au fait que la terre utilisée pour effectuer le modelage est rosée (ce qui se voit sur les défauts de polychromie comme la tête de la Tarasque sous le pied de Sainte Marthe de Béthanie, retable du midi) : les terres cuites du Maine sont quant à elles en terre blanche. Cette terre, à l’analyse, est de texture hétérogène très comparable à celle des tuileaux et pavés de terre cuite sortis des fours des nombreuses tuileries autour de La Flèche, rapporte François Le Bœuf. Le centre tuilier des Rairies qui jouxte le territoire de Bazouges sur le Loir est un exemple de ces grands fours à tuile qui peuvent accueillir un homme debout et, a fortiori, une statue. Le caractère très local du sculpteur, de la terre voir du four du cuisson feraient sens.
Toutefois, sans certitude, l’hypothèse séduisante émise par François LE BŒUF entre en concurrence avec une autre hypothèse : En effet, Sébastien de la Bouillerie, érudit bazougeois se montrant soucieux de ses sources et prudent dans ses hypothèses, indique de manière claire en 1884 dans son ouvrage Bazouges sur Le Loir, son église et ses fiefs, que les trois statues attribuables à Nicolas Bouteiller sont issues des ateliers du Ligron. Il insiste par deux fois sur ce point, tout en attribuant bien l’œuvre à Nicolas BOUTEILLER. Ce qui peut s’entendre comme ayant été cuites dans les nombreux fours de potier de cette commune dont l’activité s’étend du XIVème siècle au début du XXème siècle et dont la production, fort bien mise en valeur par une association ces dernières années, se retrouve dans de grands musées français et internationaux. Les fiches des Monuments Historiques reprennent cette hypothèse du Ligron : elles s’appuient cependant fortement sur l’ouvrage précité de Sébastien de la Bouillerie dont il importe à cet égard de rappeler le texte (en page 23).
« Le transept méridional est orné d’un retable construit, en 1676, par Nicolas Bouteiller, maitre sculpteur à La Flèche. Cet artiste reçut par la façon de son œuvre la somme de 152 livres. Les tableaux placés sur l’autel furent exécutés par le peintre Ernoul d’Angers et coûtèrent 41 livres. La statue de Saint Pierre en terre cuite de Ligron et placée dans la haute niche fut achetée au moyen d’une souscription locale. Marie Coustard donna les statues de la Madeleine et de Saint Augustin, qui furent bientôt remplacées par deux belles figures, sorties des ateliers du Ligron, l’une représentant Saint Jean Baptiste et l’autre Sainte Marthe. »
A priori, l’hypothèse de François LE BŒUF semble devoir emporter la conviction : les fours de potiers du Ligron ont une hauteur insuffisante pour accueillir, debout, les statues en une seule pièce ; les plus grandes pièces en terre vernissée du Ligron comme les épis de faitage ou les cuves baptismales, sont de taille très inférieure ou en plusieurs pièces assemblées. De plus elles sont modelées en terre blanche. Sur ce dernier point, rien n’empêche Nicolas Bouteiller d’avoir façonné sa statuaire avec une autre terre que la terre locale des fours de cuisson. Mais les contacts avec Bernard Vitour de Ligron, potier et historien des terres vernissés de Ligron, permet de ré-ouvrir cette hypothèse.
Partie d’une maquette d’une installation réelle de fours à terre vernissée du Ligron : four couché et à l’arrière plan, avec les mutiples cheminées, four à carneaux.
En effet, d’une part, il existe à Ligron, au lieu-dit la Samsonnière un filon de terre rosée. D’autre part, les statues sont présentées par les Monuments historiques comme étant creuses, dotées d’évents, et ayant un revers plat : Elles pouvaient à ce titre parfaitement être cuites à plat, sur un lit de sable blanc – généralement issu de la Chapelle saint Martin- qui permettait aux gaz des évents de s’échapper dans un four couché de potier ou un four à carneaux (de fumée) destinés aux plus belles pièces et produisant moins de cendre, tels qu’il en existait au Ligron. Ces fours sont longs à défaut d’être hauts. Il convient de noter que le village natal de Nicolas Bouteiller, Mareil sur Loir, se trouve à quelques kilomètres de Ligron qui était le plus ancien et le plus grand centre régional de production de poteries en terre cuite à cette époque : les poteries de Malicorne s’en sont largement inspirées et n’apparaissent qu’au XVIIIème siècle.
Un élément décisif pour l’attribution du Ligron comme lieu de cuisson, serait de savoir si Sébastien de la Bouillerie s’appuie sur un élément figurant aux archives qui lui aurait permis cette attribution, assez insistante. Cette information renouvèlerait non seulement l’histoire technique locale de la cuisson des statuaires religieuses, mais ouvrirait également le champ des réalisations en terre au Ligron. Recherche à poursuivre…
Joseph LE ROYER (14 février 1637- 2 mai 1692) , curé de Bazouges, fils du fondateur de Montréal.
Mais l’unité de style et l’inspiration jésuite et fléchoise doivent probablement être recherchées, comme souvent lors de l’élévation d’un retable, dans l’influence du curé résident de Bazouges officiant à l’époque de leur élévation. Le curé était en effet responsable du caractère « décent » c’est-à-dire correspondant par l’état et l’aspect aux règles tridentines. Les visites épiscopales permettaient de mesurer l’adéquation des décors avec ces règles et de qualifier le bon entretien de l’église. Ainsi, si les donateurs et financeurs sont intéressants et intéressés dans l’esthétique des œuvres retenues, le curé occupe une position nodale dans le choix de ce qui est retenu : il est le garant de l’orthodoxie de l’œuvre, le répondant de cette dernière devant les autorités ecclésiastiques qui le contrôlent.
Le curé occupant la cure de Bazouges en ce temps, l’une des plus riches de l’Anjou, ( la seconde du diocèse d’Angers avec 10 000 livres annuelles avant la Révolution Française) nous est connu par l’influence considérable de son père dans l’histoire locale, dans l’histoire religieuse et même dans l’histoire internationale : il est en effet le fils le plus jeune de Jérôme LE ROYER DE LA DAUVERSIERE (1597- 1659), élève du Collège Royal de La Flèche, receveur des tailles et contrôleur des greniers à sel de cette même cité, fondateur des Religieuses Hospitalières de Saint-Joseph, fondateur de la colonie de l’île de Montréal (Ville-Marie, en 1642) au Canada. Son procès en béatification a été ouvert en 1934, et Jérôme LE ROYER DE LA DAUVERSIERE est reconnu comme Vénérable de l’Eglise Catholique en 2007 par le pape Benoit XVI.
Joseph LE ROYER a occupé la cure de Bazouges de 1664 à sa mort en 1692 (et non 1710, comme l’écrit Sébastien de la Bouillerie), soit un quart de siècle. Il est le plus jeune enfant de Jérôme Le Royer et de son épouse Jeanne de Baugé. Il a deux frères ainés, Jérôme (18 février 1620-17 janvier 1692) et Ignace (21 mars 1624-17 mai 1660), deux sœurs ainées, Jeanne (1628- ?) et Marie (1630- ?), toutes deux entrées dans les ordres. Jérôme reprend les charges de son père, Ignace sera quant à lui curé de Bazouges : il a été l’élève de « Monsieur OLIER » (Jean-Jacques Olier de Verneuil, 1608-1657), créateur du premier séminaire français à la suite du Concile de Trente, le séminaire de saint Sulpice. M OLIER a été un proche de Jérôme Le Royer de la Dauversière et de sa famille. Ignace est curé de Bazouges vers 1655 mais il tombe malade et meurt en 1660, non sans avoir résigné la cure en faveur de son frère cadet, Joseph. Ce dernier n’était pas initialement destiné à devenir prêtre. Comme nous le rappelle Sébastien de la Bouillerie, il avait fait des études de droit et suivait la carrière des finances.
Joseph Le Royer change alors de voie et poursuit des études de théologie, devenant docteur en droit canon en 1665 selon Sébastien de la Bouillerie, 1664 selon le Chanoine E-L Coanier de Launay (Histoire des religieuses hospitalières de Saint Joseph, Victor Palmé, 1887). La cure est transitoirement occupée de 1660 à 1664 par Julien COUILLEDEAU.
Joseph LE ROYER, selon une note manuscrite sur sa vie conservée aux archives de l’hôpital de la Flèche, fut un prêtre zélé, préfigurant à Bazouges le premier grand séminaire du diocèse d’Angers et, pour le sujet qui nous intéresse « il commença par orner son église d’une manière qu’on peut dire magnifique pour un sanctuaire de campagne et fit élever quatre ou cinq gracieux autels. »
Cette information confirme qu’il fut bien à l’initiative, sinon au financement, pour le retable du maitre autel, des trois retables actuels. Eduqué localement dans l’environnement immédiat de l’autel lavallois de Pierre CORBINEAU du Collège des jésuites de la Flèche, quoi de plus normal d’élever au sein de Saint Aubin des retables de style lavallois et d’user des bons services de Nicolas Bouteiller, issu du même terroir. Le retable du Collège des Jésuites de La Flèche ne peut être qu’un parangon du retable lavallois qui s’est alors diffusé dans six provinces de France pour Jérôme Le Royer. Il répond aux mentalités religieuses du temps du règne de Louis XIV.
Aux trois retables actuels devaient s’jouter par conséquent un à deux retables, probablement du même style, installés tout aussi probablement contre les murailles des deux chapelles nord et sud construites au début du XVIIe siècle. Nulle trace n’avait été trouvée à ce jour de leur aspect, de leur emplacement, de leur destruction ou démantèlement. Jusqu’à une récente découverte ou redécouverte.
Une découverte inattendue de l’association Cœur de Bourgs.
Dans le cadre des diagnostics généraux de Saint Aubin, des membres ont découvert dans la cave de la sacristie, construite en 1894, d’importants fragments d’architecture d’un retable. Les éléments retrouvés peuvent être datés du XVIIe siècle et sont de style lavallois, en pierre avec des inclusions de marbre rouge et noir, très proches de celles des retables encore en place à Saint Aubin. Fragments d’un ou de deux retables ? Les recherches et expertises en cours et à venir viendront confirmer cette hypothèse qui s’appuie sur l’élévation par Joseph LE ROYER de « quatre ou cinq gracieux autels. » Le fils de Jérôme LE ROYER de LA DAUVERSIERE occupé la cure pendant 24 années, zélées, au cours desquels nous avons la certitude que furent élevés les trois retables qui subsistent actuellement. Les retables lavallois connurent leur acmé d’élévation au cours de cette période.
Mais quand furent-ils détruits ou démontés ? Et comment parvinrent-ils dans cette cave de sacristie ? L’architecte LAFILLEE, chargé de la re-décoration de Saint Aubin en 1901 pourrait les avoir déposés et des éléments avoir été entreposés dans la cave de la sacristie où Cœur de Bourgs les redécouvre en 2023… Il semble en fait, au regard des archives diocésaines, que la démolition de « l’autel Saint-Etienne » de la chapelle méridionale et de « l’autel Saint-Jean » de la chapelle au septentrion date de fin 1833. Il s’agissait alors de démolir les murs de ces deux chapelles donnant sur les retables de la Vierge et de Saint Pierre des absidioles et de les remplacer par les arcades en pierre de taille actuelles. Ces deux autels sont-ils en fait les retables retrouvés, les deux derniers élevés par Joseph le Royer ? Autant de pistes passionnantes qui restent à explorer et affiner.
La presse régionale s’est fait l’écho de cette découverte et de son contexte.
Bibliographie :
François LE BŒUF : Dans le sillage du grand Pierre Biardeau, Nicolas Bouteiller (1630-1696), sculpteur et retablier à La Flèche, p 38-51 in Revue 303 Arts, Recherches et créations N° LV, 1997.
François LE BŒUF : Nicolas BOUTEILLER, p 214-223 in Terre et Ciel, la sculpture en terre cuite du Maine XVIème et XVIIème siècles, Cahiers du patrimoine 66 , Monum, Editions du patrimoine , 2003
Sébastien de la BOUILLERIE : Bazouges sur Le Loir, son église et ses fiefs, [Extrait de la Revue Historique et Archéologique du Maine, Tome XV-1884] Mamers, Typographie de G Fleury et A. Dangin, 1884.
VITOUR Bernard : Les terres vernissées de Ligron Sarthe, ITF imprimeurs, Mulsanne, 2018-979-10-699- 2399-7, 2018.
Jacques SALBERT : Les ateliers des retabliers lavallois aux XVIIe et XVIIIe siècles : Etude historique et artistique. Université de Haute Bretagne. Institut armoricain de recherches historiques de Rennes. Librairie C. Klincksieck, 1976.
Michèle MENARD : Une histoire des mentalités religieuses aux XVIIe et XVIIIe siècles. Mille retables de l’ancien diocèse du Mans. Préface de Pierre Chaunu. Beauchesne éditeur, 1980.
Victor-L. TAPIE, Jean-Paul LE FLEM, Annick PARDAILHE-GALABRUN : Retables baroques de Bretagne et spiritualité du XVIIe siècles. Publications de la Sorbonne. Presse Universitaires de France, 1972.
Pierre-Yves LE POGAM, assisté de Christine VIVET-PECLET : Les Premiers retables (XIIe-Début du XVe siècle) Une mise en scène du sacré. Musée du Louvre Edition, 2009.
Association BUHEZ : L’art et la matière : restauration des sculptures polychrome en Bretagne. Editions Apogée, 1997.
Le retable dans l’absidiole du transept Nord, côté place de l’église, est consacré à la Vierge Marie, comme l’atteste la statue d’une vierge à l’enfant dans la niche centrale au-dessus de l’entablement du retable et les initiales de Marie que l’on retrouve dans la grille de clôture du chœur. Il a pour pendant le retable consacré à Saint Joseph du transept au midi.
Selon Sébastien de la Bouillerie, l’autel du retable a toujours été consacré à la Sainte Vierge. Une dame pieuse, Marie COUSTARD, lègue une somme importante au milieu du XVIIème siècle pour son ornementation par le présent retable en pierre sculptée.
Le retable est éclairé par une unique baie aux vitraux aniconiques, permettant de laisser entrer une lumière mettant en valeur l’édifice et ses ornements.
Description du retable : A l’étage inférieur, s’élèvent quatre colonnes de marbre vert, deux de part en part, reposant sur des socles exhaussés et portant des chapiteaux composites -plutôt corinthiens- ; au centre du retable, se trouve une toile peinte à l’huile encadrée de deux pilastres dorés à chapiteaux ; les parties latérales, entre deux colonnes, ont une forme concave et sont orientées obliquement vers l’avant. Chacune comporte une niche contenant une statue – en bois enduit?- polychrome. l’entablement porte à chacune de ses extrémités latérales un pot à fleurs.
A l’étage supérieur : dans la partie centrale, dans un fronton courbe brisé se loge une niche, adornée dans sa partie supérieure, bordée de pilastres et d’ailerons à volutes ; cette niche est surmontée d’un fronton courbe décoré au sommet d’un pot et de deux sphères ; la niche contient une statue de Vierge à l’Enfant ; les parties latérales surmontent, au-dessus de l’entablement, les parties latérales de l’étage inférieur et sont également concaves; au centre se trouve un médaillon circulaire portant le monogramme marial, bordé par deux colonnettes flanquées d’ailerons, et est surmonté d’un arc surbaissé supportant un pot à fleurs et deux flammes.
Selon une déclaration orale de l’abbé Furet, curé, l’autel actuel, en marbre blanc, provient de l’Institution Notre-Dame de La Flèche. Il porte le monogramme marial en son centre.
Toile peinte (XIXème ?) 133,5 cm x 83,5 cm : Le Repos pendant la fuite en Egypte
Elle représente une halte auprès du palmier nourricier de la Sainte Famille Marie de Nazareth, Joseph et l’enfant pendant la fuite de sept ans de Judée en Egypte pour échapper au Massacre des Innocents : l’Evangile apocryphe du pseudo-Mathieu évoque cet épisode du miracle du palmier repris par les plus grands peintres : Fra Bartoloméo, Albrecht Dürer, Lucas van Leyden, François Boucher, Memling ont notamment reproduit cette scène. C’est plus souvent sur inspiration de gravures d’après Raphaël ( Raffaello Sanzio) et Nicolas Poussin que cette œuvre fut reproduite.
Marie de Nazareth est assise en repos, l’enfant Jésus est tourné vers Joseph agenouillé, appuyé sur son bourdon de bois. Derrière les personnages, au centre, le palmier qui permet d’interpréter le tableau. En arrière-plan, à droite, on perçoit un paysage montueux, la découpe de bâtisses d’une ville.
Pour en savoir plus… Le miracle du palmier : Pseudo-Mathieu (7ème ou 8ème siècle) : chapitre XX et XXI
N.Poussin : Le repos pendant la fuite en Egypte c. 1627
CHAPITRE XX
Or il advint que le troisième jour de leur déplacement, Marie se trouva fatiguée par l’ardeur du soleil dans le désert. Apercevant un palmier, elle dit à Joseph : « Je me reposerai un peu sous son ombre. » Joseph s’empressa de la conduire auprès du palmier et la fit descendre de l’ânesse. Quand Marie fut assise, elle regarda vers la cime du palmier et vit cette dernière chargée de fruits. « Je voudrais, s’il est possible, dit-elle à Joseph, goûter des fruits de ce palmier. » Joseph lui répondit : « Je m’étonne que tu parles ainsi : tu vois à quelle hauteur sont les palmes, et tu te proposes de manger de leurs fruits ! Quant à moi, c’est bien davantage le manque d’eau qui m’intéresse, car il n’y en a plus dans nos outres, et nous n’avons pas de quoi nous abreuver, nous et nos montures. »
Alors le petit enfant Jésus qui reposait calmement sur sein de sa mère, dit au palmier : »Penche-toi, arbre, et nourris ma mère de tes fruits ! » Et obéissant à ces mots, le palmier inclina aussitôt sa cime jusqu’aux pieds de Marie, pour qu’on y cueillît des fruits dont tous se rassasièrent. Quand tous les fruits eurent été cueillis, l’arbre demeurait incliné, attendant l’ordre de celui qui lui avait commandé de s’incliner. Alors, Jésus lui dit : « Redresse-toi, palmier, reprends ta force ! Tu partageras désormais le sort de mes arbres qui sont au Paradis de mon Père. Ouvre de tes racines la source cachée au fond de la terre et que des eaux en jaillissent pour notre soif ! » Aussitôt le palmier se redressa, et d’entre ses racines se mirent à jaillir des sources d’eaux très limpides, très fraîches et très douces. Et voyant ces sources, ils furent pleins d’une grande joie ; ils se désaltérèrent eux, leurs gens et toutes leurs bêtes et ils rendirent grâces à Dieu.
CHAPITRE XXI
Le lendemain, tous repartirent, et à l’instant où ils se mettaient en route, Jésus se tourna vers le palmier et lui dit : « Je te donne ce privilège, palmier, que l’un de tes rameaux soit emporté par mes anges et planté au paradis de mon père. Je te confère cette bénédiction, afin qu’à tous ceux qui auront vaincu en quelque lutte, on dise : Vous avez la palme de la victoire ! » Et, tandis qu’il disait cela, voici qu’un ange du Seigneur apparut, se tenant au-dessus de l’arbre. Prenant un des rameaux, il s’envola au ciel, le tenant dans sa main. Ce que voyant, ils tombèrent sur la face, et restèrent comme morts. Jésus leur dit alors : »Pourquoi la frayeur envahit-elle vos cœurs ? Ne savez-vous pas que ce palmier que j’ai fait transporter au paradis, sera préparé pour tous les saints en ce lieu de délices, comme il a été préparé pour vous en ce désert ? » Et pleins de joie, ils se relevèrent tous.
F. BOUCHER Le Repos pendant la fuite en Égypte (1757)
La statuaire du retable
Vierge à l’enfant dans la niche haute du retable : l’enfant n’est pas porté, comme souvent, sur la hanche de la Vierge, mais repose debout sur un globe portant des étoiles, surélevée par des nuées – représentation probable du Ciel – ; la posture de la vierge qui présente l’enfant manifeste une « rotation contrariée » du buste à l’inverse du mouvement de jambes.
Il n’existe aucune certitude, dans le cas présent quant à la nature du matériau ni l’époque d’exécution. La base semble en bois enduit et peint. La posture donne une certaine dynamique à l’ensemble qui s’oppose aux poses hiératiques des statues des niches inférieures.
La Vierge représentée est la Vierge reine du ciel portant, sur son chef, la couronne et sur sa poitrine le cœur immaculé de Marie ; elle est représentée avec l’enfant debout sur le globe étoilé symbolisant l’univers, au-delà des nuées qui abritent son retour : « Voici, Jésus vient sur les nuées, et tout œil Le verra » (Apocalypse 1, 7). « Alors on verra le Fils de l’homme venant sur les nuées avec une grande puissance et avec gloire » (Marc 13-26)
Des détails peu ou pas visibles du bas du retable confirment et précisent son identification.
L’inscription sur le piédestal est actuellement assez difficilement lisible : ARCHICONFRERIE. Une archiconfrérie est une confrérie qui rassemble des associations pieuses, charitables ou des confréries similaires et qui par ses privilèges et droits est supérieure aux simples confréries qui lui sont affiliées ; il s’agit probablement de l’association des donateurs.
Les étoiles sur le globe enténébré, la couronne de Marie et le Cœur, tout tend à considérer que nous sommes en présence d’une donation d’une branche locale de l’archiconfrérie du Très-Saint Cœur Immaculé de Marie née en 1836 avec le Père Charles Dufriche-Desgenettes, reconnue en tant qu’archiconfrérie de prière mariale en 1838, par conséquent, d’une représentation de la Vierge de Notre Dame des Victoires. Des recherches sont en cours pour confirmer cette hypothèse.
Pour en savoir plus sur l’archiconfrérie du Très-Saint Cœur Immaculé de Marie et la statue de Notre Dame des Victoires…
Confère sur l’histoire de cette confrérie le site de Notre dame des Victoires: https://www.notredamedesvictoires.com/archiconfrerie/
Chapelle de la Vierge – Statue en plâtre durci de la Vierge à l’Enfant (XIXe siècle)
Auteur anonyme
Statue de Saint Louis
Cette statue située dans la niche inférieure droite du retable a été longtemps présentée comme « Sainte Sophie reconnaissable à sa couronne » ; La couronne et la robe fleurdelysée, la couronne du vainqueur- et du Croisé -, l’épée et la cote de maille qui ressort au cou et aux poignets semblent beaucoup plus vraisemblablement tendre vers une attribution à Saint Louis.
Indiquée comme en bois polychrome par les Monuments Historiques : le socle semble en effet en bois recouvert d’enduit.
A noter : le caractère hiératique de la pose, à rebours de la dynamique des statues de Nicolas Bouteiller.
Statue de Sainte Lucie
Cette statue de Sainte, probablement en bois enduit polychrome, est dite, par tradition, représenter Sainte Lucie, sans qu’aucun élément vestimentaire ou un attribut de la sainte ne puisse le confirmer. A noter, l’attitude hiératique de la posture, atténuée par le mouvement des mains.
Bibliographie :
François LE BŒUF : Dans le sillage du grand Pierre Biardeau, Nicolas Bouteiller (1630-1696), sculpteur et retablier à La Flèche, p 38-51 in Revue 303 Arts, Recherches et créations N° LV, 1997.
François LE BŒUF : Nicolas BOUTEILLER, p 214-223 in Terre et Ciel, la sculpture en terre cuite du Maine XVIème et XVIIème siècles, Cahiers du patrimoine 66 , Monum, Editions du patrimoine , 2003
Sébastien de la BOUILLERIE : Bazouges sur Le Loir, son église et ses fiefs, [Extrait de la Revue Historique et Archéologique du Maine, Tome XV-1884] Mamers, Typographie de G Fleury et A. Dangin, 1884.
VITOUR Bernard : Les terres vernissées de Ligron Sarthe, ITF imprimeurs, Mulsanne, 2018-979-10-699- 2399-7, 2018.
Jacques SALBERT : Les ateliers des retabliers lavallois aux XVIIe et XVIIIe siècles : Etude historique et artistique. Université de Haute Bretagne. Institut armoricain de recherches historiques de Rennes. Librairie C. Klincksieck, 1976.
Michèle MENARD : Une histoire des mentalités religieuses aux XVIIe et XVIIIe siècles. Mille retables de l’ancien diocèse du Mans. Préface de Pierre Chaunu. Beauchesne éditeur, 1980.
Victor-L. TAPIE, Jean-Paul LE FLEM, Annick PARDAILHE-GALABRUN : Retables baroques de Bretagne et spiritualité du XVIIe siècles. Publications de la Sorbonne. Presse Universitaires de France, 1972.
Pierre-Yves LE POGAM, assisté de Christine VIVET-PECLET : Les Premiers retables (XIIe-Début du XVe siècle) Une mise en scène du sacré. Musée du Louvre Edition, 2009.
Association BUHEZ : L’art et la matière : restauration des sculptures polychrome en Bretagne. Editions Apogée, 1997.
Le retable en pierre du maitre-autel est situé dans l’abside du chœur ; il est précédé par les stalles seigneuriales. Si son bâtisseur nous reste inconnu à ce jour, son inspiration est semblable à celle des retables des absidioles attribués au retablier et sculpteur fléchois Nicolas BOUTEILLER. Le retable en pierre de Saint Aubin est également inspiré du maître-autel du collège des Jésuites de La Flèche par ses matériaux et son apparence lavalloise.
Le retable, pour son exécution, était généralement confiée à des maitres-maçons par l’architecte retablier. Il mesure 5,50 m de hauteur et 2,80 m de largeur. La niche au sommet ressort de manière concave au dos plat du retable qui cache pour partie les baies de l’abside : la baie, au centre, à l’arrière a été occultée.
Description : Au premier niveau du retable, au-dessus du maitre-autel portant le tabernacle et la lampe attestant de la présence réelle, s’élèvent quatre colonnes de marbre (deux rouges et deux vertes) à chapiteaux composites (plutôt corinthiens).
Dans la partie médiane entre les colonnes, se trouve un tableau dans un cadre mouluré, une adoration des Bergers surmonté du monogramme du Christ, IHS (translitération tronquée de Jésus en grec, ΙΗΣ (Iota, Hêta, Sigma), traduit en latin par Iesus Homini Salvator, Jésus Sauveur des Hommes).
Un entablement forme deux avancées au niveau des colonnes, orné de consoles, de denticules et de rinceaux végétaux. Au-dessus de l’entablement, la niche portant la statue de saint Aubin est encadrée par deux pilastres à ailerons à enroulement ; elle est surmontée par un arc surbaissé couronné d’une croix. De part et d’autre de la niche, des corbeilles de fleurs et de fruits sur des consoles.
Sur le flanc gauche du retable, côté de l’Evangile, est gravé dans la pierre un blason non identifié qui pourrait être celui du commanditaire du retable, du XVIIème siècle comme les retables septentrionaux et méridionaux.
Hypothèses : ce retable doit être antérieur aux deux retables de Nicolas Bouteiller (dont le méridional est daté de 1676). Il semble en effet peu concevable que deux retables monumentaux en pierre, au sein d’absidioles, viennent en préséance du retable du maitre-autel. Sauf à ce que ce retable ne vienne remplacer un retable précédent dont nous n’avons pas retrouvé trace : Sébastien de la Bouillerie reste muet sur l’origine et la datation du retable de Saint Aubin.
Détails au dos du retable, piscine liturgique sur la muraille courbe à l’arrière de l’abside
Pour en savoir plus sur les piscines (lavabos) liturgiques, l’article consacré par Viollet Le Duc dans son Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle …
PISCINE, s. f. Cuvettes pratiquées ordinairement à la gauche de l’autel (côté de l’épître), dans lesquelles le célébrant faisait ses ablutions après la communion. Le docteur Grancolas[1] s’exprime ainsi au sujet des piscines : « Il y a deux sortes d’ablutions après la communion, la première est du calice et la seconde est des mains ou des doigts du célébrant. C’étoit le diacre qui faisoit celle du calice, comme il paroist par plusieurs anciens missels ; et le prestre lavoit ses mains, et c’étoit pour la troisième fois qu’il le faisoit, avant que de venir à l’autel, après l’offrande, et en suite de la communion, comme le dit Ratolde, lotis manibus tertiò… Dans l’Ordre romain de Gaïet, il y a que le prestre n’avaloit pas le vin avec lequel il lavoit ses doigts, mais on le jetoit dans la piscine. — Yves de Chartres rapporte que le prestre lavoit ses mains après la communion… Jean d’Avranches ordonne qu’il y ait un vase particulier dans lequel le prestre lave ses doigts après la communion… Dans les usages de Cîteaux, on mettoit du vin dans le calice pour le purifier, et le prestre alloit laver ses doigts dans la piscine, puis il avaloit le vin qui étoit dans le calice et en prenoit une seconde fois pour purifier encore le calice…
« J’ajouteray que Léon IV, dans une oraison synodale aux curez, ordonne qu’il y ait deux piscines dans chaque église, ou dans les sacristies, ou proche des autels : « Locus in secretario aut juxta altare sit præparatus, ubi aqua effundi possit quando vasa sacra abluuntur, et ibi linteum nitidum cum aqua dependeat ; ut ibi sacerdos manus lavet post communionem. » C’étoit pour laver les mains après la communion. Ratherius, évêque de Ravenne, dans ses instructions, ordonne la même chose. Saint Uldaric (ou Udalric), dans les anciennes coutumes de Cluny, parle de deux piscines : dans l’une on purifioit le calice, et dans l’autre on lavoit les mains après le sacrifice… ; le diacre et le soudiacre lavoient aussi leurs mains… » Lebrun des Marettes, dans ses Voyages liturgiques[2], à propos de ce qui se pratiquait à la cathédrale de Rouen après la communion, dit : « Le prêtre, après la communion, ne prenoit aucune ablution ; mais seulement pendant que les ministres de l’autel communioient du calice, un acolyte apportoit un autre vase pour laver les mains du prêtre, comme on fait encore aujourd’hui à Lyon, à Chartres et chez les Chartreux, et comme on faisoit encore à Rouen avant le dernier siècle, afin qu’il ne fût pas obligé de prendre la rinçure de ses doigts[3]. » Et plus loin[4] : « La dernière ablution avec l’eau et le vin ne s’y faisoit point alors (au XVIIe siècle), et on n’obligeoit point le prêtre de boire la rinçure de ses doigts. Il alloit laver ses mains à la piscine ou lavoir qui étoit proche de l’autel, sacerdos vadat ad lavatorium. La même chose est marquée dans le missel des Carmes de l’an 1574. Et le rituel de Rouen veut qu’il y en ait proche de tous les autels… » Guillaume Durand[5] dit qu’auprès des autels on doit placer une piscine ou un bassin dans lequel on se lave les mains. M. l’abbé Crosnier, dans une notice publiée dans le Bulletin monumental[ 6], pose ces diverses questions qu’il cherche à résoudre : « 1° Le prêtre a-t-il toujours pris les ablutions à la fin de la messe ? 2° La discipline de l’Église sur ce point a-t-elle été uniforme jusqu’au XIIIe siècle ? 3° A-t-elle été modifiée à cette époque, et qui est l’auteur de cette modification ? 4° Quelle est l’origine de la double piscine qu’on remarque dans presque toutes les églises du XIII siècle ? 5° L’usage de prendre les ablutions a-t-il été universel et sans exceptions depuis le XIIe siècle ? » Jusqu’au XIIe siècle le prêtre lavait ses mains, à la fin des saints mystères, dans la piscine. Nous venons de voir que, d’après un ancien ordinaire de Rouen, le prêtre ne prenait aucune ablution ; celle-ci était versée dans la piscine pendant que les ministres communiaient sous l’espèce du vin.
Yves de Chartres s’exprime ainsi au sujet des ablutions : « Après avoir touché et pris les espèces sacramentelles, le prêtre, avant de se retourner vers le peuple, doit se laver les mains et l’eau est jetée dans un lieu sacré destiné à cet usage. » « Cependant, dit M. l’abbé Crosnier[7], par respect pour les Saintes Espèces, déjà avant le XIIIe siècle, on trouve dans les ordres religieux l’usage de prendre les ablutions ; il paraissait inconvenant de verser dans la même piscine l’eau qui avait servi à laver les mains avant la préface, et le liquide employé pour la purification du calice et des doigts après les Saints Mystères ; aussi on trouve dans les anciennes coutumes de Cluny trois ablutions prises par le prêtre après la communion, une pour le calice et deux pour les mains… »
Le pape Innocent III ayant décidé que les ablutions devaient être prises par le prêtre, « on a voulu, ajoute M. l’abbé Crosnier, tout à la fois conserver les anciens usages et tenir compte, sinon de la décision du pape, du moins des motifs qui l’avaient suscitée. On établit deux piscines, l’une réservée aux ablutions proprement dites, et l’autre destinée à recevoir les eaux ordinaires… »
C’est en effet à dater de la fin du XIIe siècle, que l’on voit les piscines géminées adoptées dans les chapelles des églises cathédrales et conventuelles, plus rarement dans les églises paroissiales. Les piscines géminées ou simples disparaissent vers le XVe siècle, alors que l’usage de prendre les ablutions est admis dans toutes les églises.
Peut-être avant le XIIe siècle avait-on des piscines transportables, des bassins de métal que l’on plaçait auprès de l’autel, car ce n’est qu’à dater de cette époque que l’on voit la piscine faire partie de l’édifice, qu’elle est prévue dans la construction ; encore les premières piscines paraissent-elles être des hors-d’œuvre, des appendices qui ne s’accordent pas avec l’architecture, tandis qu’au XIIIe siècle la piscine est étudiée en vue de concourir à l’ensemble de la structure.
Les chapelles absidales de l’église abbatiale de Saint-Denis, qui datent de Suger, possèdent des piscines simples en forme de cuvette accolée à l’un des piliers. À la fin du XIIIe siècle, dans les chapelles de l’église abbatiale de Vézelay, nous voyons des piscines conçues d’après ce même principe et qui font un hors-d’œuvre. Voici (fig. 1) l’une d’elles, qui se compose d’une cuvette lobée avec un orifice au centre.
La cuvette porte sur un faisceau de colonnettes percé verticalement, de manière à perdre les eaux dans les fondations. C’était un usage établi généralement, lors de l’établissement des premières piscines, de perdre les eaux sous le sol même de l’église. Plus tard, les piscines furent munies de gargouilles rejetant les eaux à l’extérieur, sur la terre sacrée qui environnait les églises. Cette piscine de Vézelay pose sur le banc qui fait le tour de la chapelle et reçoit l’arcature ; sa cuvette est alternativement ornée à l’extérieur de cannelures creuses et godronnées ; la base, le faisceau des quatre colonnettes et la cuvette sont taillés dans un seul morceau de pierre. Dans l’église de Montréal (Yonne), qui date de la même époque, derrière le maître autel et dans le banc même qui reçoit l’arcature, est creusée une cuvette de piscine (fig. 2) de forme carrée.
Le banc servait ainsi de crédence pour déposer les vases nécessaires aux ablutions. Plus tard, les piscines prirent une certaine importance et furent faites en forme de niches pratiquées dans les parois des chœurs ou des chapelles. L’usage de la piscine était désormais consacré, de plus la cuvette simple était remplacée par deux cuvettes jumelles. On retrouve beaucoup de piscines de ce genre dès la fin du XIIe siècle. Elles affectent la forme de niches doubles séparées par un petit pilier, et dans la tablette desquelles sont creusées deux cuvettes de forme carrée, ou plus habituellement circulaires, avec un orifice au centre pénétrant dans la fondation.
Beaucoup d’églises abbatiales de cette époque, des ordres de Cluny et de Cîteaux, conservent dans leurs chapelles des piscines ainsi disposées.
Celle que nous donnons (fig. 3) provient de l’abbaye de Saint-Jean les Bons-Hommes.
Une pilette isolée reçoit un sommier portant deux arcs plein cintre. On voit en A une entaille pratiquée pour poser une tablette de bois ; en C, est une entaille terminée à son extrémité droite par un orifice. Peut-être cette entaille était-elle destinée à recevoir le chalumeau. En effet, Lebrun des Marettes, dans ses Voyages liturgiques [8], rapporte que de son temps encore il y avait, dans l’église abbatiale de Cluny, un petit autel au côté gauche du grand autel ; que le petit autel servait à la communion sous les deux espèces, qui s’y pratiquait les fêtes et dimanches à l’égard de quelques ministres de l’autel. « Après que le célébrant, ajoute-t-il, a pris la sainte hostie et une partie du sang, et qu’il a communié de l’hostie les ministres de l’autel, ils vont au petit autel à côté ; et le diacre ayant porté le calice, accompagné de deux chandeliers, tient le chalumeau d’argent par le milieu, l’extrémité étant au fond du calice ; et les ministres de l’autel, ayant un genou sur un petit banc tapissé, tirent et boivent le précieux sang par ce chalumeau. La même chose se pratique à Saint-Denys en France, les jours solennels et les dimanches. Ce petit autel s’appelle la prothèse. »
Après la communion, dit Boquillot, on renfermait le chalumeau dans l’armoire avec le calice : or, des traces de scellements, visibles dans notre figure 3 en B, indiqueraient qu’une fermeture était disposée de façon à clore cette piscine, qui devenait ainsi une véritable armoire ; le calice eût pu être déposé sur la tablette dont l’entaille se voit en A. Un peu plus tard, près de la piscine, on pratiqua souvent une Armoire (voyez ce mot). Dès lors il ne fut plus nécessaire de fermer les piscines ; aussi voyons-nous que dès le commencement du xiiie siècle, celles-ci sont disposées pour être ouvertes, bien qu’elles soient le plus souvent ménagées dans des niches jumelles.
La jolie église de Villeneuve-le-Comte (Seine-et-Marne) conserve dans la chapelle méridionale une piscine de ce genre très-délicatement composée. Elle consiste en une niche séparée en deux par une pilette taillée, ainsi que chacun des deux jambages, dans un seul morceau de pierre (fig. 4).
L’arcature jumelle est évidée dans deux dalles de pierre, la construction venant se bloquer à l’enfour. Les cuvettes sont circulaires (voy. le plan), et nulle trace n’indique que cette piscine ait jamais été close. Les colonnettes évidées n’ont pas plus de 4 centimètres de diamètre. On voit par cet exemple déjà, que les architectes du XIIIe siècle, une fois le programme de la piscine admis, en faisaient un motif de décoration ; c’est qu’en effet ils n’admettaient pas qu’une nécessité, qu’un besoin ne devînt l’objet d’une étude spéciale, et par suite un moyen d’orner l’édifice. Nous chercherions aujourd’hui, pour ne pas contrarier les lignes de la belle architecture, à dissimuler cet appendice ; nos devanciers, au contraire, le faisaient franchement paraître, bien qu’il ne fût jamais dans un axe, et le décoraient avec recherche. Les chapelles de la cathédrale d’Amiens, élevées vers 1240, possèdent de belles piscines prises entre l’arcature formant le soubassement ; traitées avec un soin particulier, ces piscines sont placées à la gauche de l’autel (côté de l’épître), suivant l’usage. De l’autre côté, en regard, est pratiquée une armoire. Nous donnons (fig. 5) un ensemble perspectif de l’une de ces piscines, avec l’arcature qui l’accompagne et lui sert d’entourage.
La figure 5 bis en donne le plan.
Les colonnettes de l’arcature sont, comme on le voit par ce plan, indépendantes de la piscine, qui est prise aux dépens de l’épaisseur du mur du soubassement. Les orifices des deux cuvettes se perdent dans les fondations, ces piscines n’ayant pas de gargouilles extérieures.
La Sainte-Chapelle du Palais, à Paris, présente également à la gauche du maître-autel une fort belle piscine à double cuvette, avec crédence au-dessus divisée en quatre compartiments. Cette piscine est gravée dans la monographie de la Sainte-Chapelle, publiée par M. Caillat [9] ; elle se combine, comme celle que nous venons de donner, avec l’arcature qui forme la décoration du soubassement de la chapelle. En regard, à la droite de l’autel, est une armoire double.
Quelquefois, mais fort rarement, dans les églises du XIII siècle, les piscines sont faites en forme de cuvettes posées sur un socle, comme celles de Vézelay. Nous citerons celles des chapelles du chœur de la cathédrale de Séez (fin du XIIIe siècle), dont nous donnons (fig. 6) un croquis.
Ici les deux cuvettes n’ont pas la même forme, l’une est à pans, l’autre circulaire ; elles reposent sur un faisceau de branchages feuillus, et sont placées dans les travées de l’arcature. Les faisceaux de branchages prennent naissance sur le banc continu servant de soubassement à cette arcature [10].
Les piscines des chapelles des XIIIe et XIVe siècles de la cathédrale de Paris sont d’une grande simplicité, et ne consistent guère qu’en une petite niche lobée portée sur deux colonnettes engagées, ou tombant par un chanfrein sur la tablette. Toutes ces piscines possèdent des gargouilles à l’extérieur. Les piscines des chapelles du chœur de la cathédrale de Reims étaient fermées par des volets de bois et servaient en même temps d’armoires.
Le XIVe siècle fit des piscines très-délicates et riches de sculpture. Nous citerons parmi les plus remarquables celle du chœur de l’église de Saint-Urbain de Troyes [11]. Elle contient deux cuvettes partagées par une pilette centrale et terminées par deux gâbles décorés d’un couronnement de la sainte Vierge et de deux figurines des deux donateurs, le pape Urbain IV et le cardinal Aucher. Quatre dais refouillés avec art couronnent ces figurines et sont surmontés de merlons entre lesquels apparaissent des archers paraissant défendre l’édicule. Cette piscine est très-bien gravée dans les Annales archéologiques [12], d’après un dessin de M. Bœswilwald, et nous croyons n’avoir mieux à faire que de renvoyer nos lecteurs à cette reproduction et à la notice de M. Didron qui l’accompagne. La piscine de Saint-Urbain n’est pas la seule qui soit couronnée par un crénelage ; nous citerons aussi celles des chapelles absidales de l’église de Semur en Auxois, qui, bien qu’antérieures de soixante ans à celle de Saint-Urbain, sont de même crénelées à leur sommet [13]. Les piscines deviennent rares au XVe siècle, probablement parce que l’usage de prendre les ablutions était généralement admis. Cependant nous en trouvons quelques exemples, mais les cuvettes doubles ne sont plus pratiquées. Dans l’une des chapelles latérales de l’église de Semur en Auxois il existe une jolie piscine du XVe siècle que nous donnons ici (fig. 7).
La cuvette est portée sur une colonnette, et dans la niche pratiquée au-dessus est une petite crédence pour poser les vases. Un dais très-riche surmonte le tout. En A nous donnons la section de cette piscine sur ab ; en B, sur cd. On voit d’ailleurs dans les églises françaises des XIIIe et XIVe siècles un nombre prodigieux de piscines toutes variées de forme et d’une composition charmante. C’est dans ces accessoires que l’on peut observer la fertilité singulière des architectes de cette époque. Bien rarement ils reproduisent un exemple même remarquable ; avec la collection des piscines, on ferait un ouvrage entier fournissant des compositions variées à l’infini d’un même objet.
1/ Les anciennes liturgies. Paris, 1697, t. I, p. 692.
2/ Voyages liturgiques, par le sieur de Mauléon (Lebrun des Marettes). Paris, 1718.
3/ Cette rinçure était probablement jetée dans la piscine.
4/ Page 315.
5/ Rational des divins offices, liv. I, chap. xxxix.
6/ 1849, tome V de la 2e série, p. 55.
7 /Loc. cit.
8/ Voyages liturgiques, par le sieur de Mauléon (1718), p. 149.
9 /Bance, Paris, 1858.
10 / Il y a toujours un banc devant les piscines.
11/ Cette piscine date des dernières années du XIIIe siècle, mais appartient, par son ornementation, au XIVe siècle. Nous avons eu, plusieurs fois, l’occasion d’observer que l’église Saint-Urbain de Troyes est en avance de vingt-cinq ans au moins sur l’architecture de l’Île-de-France.
12/ Tome VII, p. 36.
13/ L’une de ces piscines a été gravée dans les Annales archéologiques, t. IV, p. 87. Ces piscines sont à une seule cuvette. On voit aussi, dans la chapelle latérale de l’église de Saint-Thibaut (Côte-d’Or), une piscine du XIVe siècle, à cuvette unique, couronnée par un dais crénelé.
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Vues de l’entablement (architrave, frise et corniche), des chapiteaux et corbeilles du retable
La statue de Saint Aubin avec sa crosse d’évêque d’Angers dans sa niche surmontée d’une croix Terre cuite du Maine. Auteur anonyme.
Il s’agit bien entendu de Saint Aubin d’Angers. Ce saint breton (circa 468- 550) accède au siège épiscopal en 529 et ses reliques sont conservées à Angers. Une grande abbaye d’Angers a porté un nom éponyme, mais, pour rappel, c’est à l’abbaye Saint Serge d’Angers que fut donné l’église Saint Aubin par les seigneurs de Bazouges.
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Tableau de l’Adoration des Bergers en partie centrale. Inspirée par Murillo dont le tableau est contemporain du retable, vers 1650.
On constate que la toile a été réparée et agrandie. Auteur anonyme, date non connue (XVIIIe / XIXe).
L’épisode est rapporté dans LUC 2. 8-20 :
« 8 Il y avait, dans cette même contrée, des bergers qui passaient dans les champs les veilles de la nuit pour garder leurs troupeaux.
9 Et voici, un ange du Seigneur leur apparut, et la gloire du Seigneur resplendit autour d’eux. Ils furent saisis d’une grande frayeur.
10 Mais l’ange leur dit : Ne craignez point ; car je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera pour tout le peuple le sujet d’une grande joie :
11 c’est qu’aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur.
12 Et voici à quel signe vous le reconnaîtrez : vous trouverez un enfant emmailloté et couché dans une crèche.
13 Et soudain il se joignit à l’ange une multitude de l’armée céleste, louant Dieu et disant :
14 Gloire à Dieu dans les lieux très hauts, Et paix sur la terre parmi les hommes qu’il agrée !
15 Lorsque les anges les eurent quittés pour retourner au ciel, les bergers se dirent les uns aux autres : Allons jusqu’à Bethléhem, et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître.
16 Ils y allèrent en hâte, et ils trouvèrent Marie et Joseph, et le petit enfant couché dans la crèche.
17 Après l’avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été dit au sujet de ce petit enfant.
18 Tous ceux qui les entendirent furent dans l’étonnement de ce que leur disaient les bergers.
19 Marie gardait toutes ces choses, et les repassait dans son cœur.
20 Et les bergers s’en retournèrent, glorifiant et louant Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, et qui était conforme à ce qui leur avait été annoncé. »
Pour voir l’adoration aux bergers de Bartolomé Esteban Murillo , vers 1650…
Ce retable, construit en 1676, par Nicolas Bouteiller, vit son autel dédié à la vénération de Saint Joseph au XIXème siècle ; l’autel était auparavant consacré à Saint Pierre dont la statue domine toujours dans la niche centrale. C’est ainsi qu’à un tableau central du peintre angevin Jean Ernoul d’Angers dont nous ne connaissons ni l’image, ni le destin a été substitué au XIXème siècle une représentation de St Joseph en trompe-l’œil. Le peintures, de la même main, des cartouches supérieurs des ailes ont également été remplacés.
En dépit de cela, le retable conserve une remarquable homogénéité soulignée par les trois statues en terre cuite ses niches, attribuables sur source à Nicolas BOUTEILLER.
Pour en savoir plus : Les statues de Nicolas BOUTEILLER
Trois statues de Saint-Aubin sont attribuables de manière documentée à Nicolas BOUTEILLER (1630-1696) : Les Saint Pierre, Saint Jean-Baptiste et Sainte Marthe présentés ci-après du retable sud, anciennement Chapelle saint-Pierre devenue Chapelle Saint-Joseph. Ce retable aurait abrité un Saint Augustin à la place de Saint Jean Baptiste et une Sainte Madeleine (sans certitude selon Sébastien de la Bouillerie) en lieu et place de Sainte Marthe de Béthanie.
François Le Bœuf note quelques caractéristiques de cette statuaire : Elle pourrait être plus inspirée par l’artiste angevin Pierre BIARDEAU, notamment par la dynamique certaine de l’œuvre, que par les ateliers du Maine. La pose avec un mouvement contrarié du torse des trois statues sus-indiquée est à comparer avec la statique des autres statues de saint Aubin, anciennes ou sulpiciennes. Nicolas BOUTEILLER, fils de vignerons né à Mareuil sur le Loir, n’œuvra que sur un cercle restreint autour de La Flèche.
Les statues sont cuites en une seule pièce, ce qui est rare en un temps où les statues (environ 1,20 m de hauteur étaient constituées de plusieurs morceaux (deux à quatre, trois le plus souvent) assemblés après cuisson dans des fours de potiers. Elles portent des évents d’évacuation des gaz de cuisson à l’arrière (un à deux) et/ou sur le haut de la tête. Ce point conjugué au fait que la terre en est rosée (ce qui se voit sur les défauts de polychromie comme la tête de la Tarasque sous le pied de Sainte Marthe de Béthanie, retable du midi) alors que les terres cuites du Maine sont en terre blanche. Cette terre, à l’analyse, est de texture hétérogène très comparable à celle des tuileaux et pavés de terre cuite sortis des fours des nombreuses tuileries autour de La Flèche, rapporte François Le Bœuf. Le centre tuilier des Rairies qui jouxte le territoire de Bazouges sur le Loir est un exemple de ces grands fours à tuile qui peuvent accueillir un homme debout et a fortiori une statue. Le caractère local du sculpteur, de la terre voir du four du cuisson feraient
Toutefois, sans certitude, l’hypothèse séduisante de François LE BŒUF peut entrer en concurrence avec une autre hypothèse : En effet, Sébastien de la Bouillerie, érudit bazougeois se montrant soucieux de ses sources et prudent dans ses hypothèses, indique de manière claire en 1884 dans son ouvrage Bazouges sur Le Loir, son église et ses fiefs, que les trois statues attribuables à Nicolas Bouteiller sont issues des ateliers du Ligron. Il insiste par deux fois sur ce point, tout en attribuant bien l’œuvre à Nicolas BOUTEILLER. Ce qui peut s’entendre comme ayant été cuites dans les nombreux fours de potier de cette commune dont l’activité s’étend au moins du XIVème siècle au début du XXème siècle et dont la production, fort bien mise en valeur par une association ces dernières années, se retrouve dans de grands musées français et internationaux. Les fiches des Monuments Historiques reprennent cette hypothèse du Ligron : elles s’appuient cependant fortement sur l’ouvrage précité de Sébastien de la Bouillerie dont il importe de rappeler le texte (en page 23).
« Le transept méridional est orné d’un retable construit, en 1676, par Nicolas Bouteiller, maitre sculpteur à La Flèche. Cet artiste reçut par la façon de son œuvre la somme de 152 livres. Les tableaux placés sur l’autel furent exécutés par le peintre Ernoul d’Angers et coûtèrent 41 livres. La statue de Saint Pierre en terre cuite de Ligron et placée dans la haute niche fut achetée au moyen d’une souscription locale. Marie Coustard donna les statues de la Madeleine et de Saint Augustin, qui furent bientôt remplacées par deux belles figures, sorties des ateliers du Ligron, l’une représentant Saint Jean Baptiste et l’autre Sainte Marthe. »
A priori, l’hypothèse de François LE BŒUF semble l’emporter : les fours de potiers du Ligron ont une hauteur insuffisante pour accueillir les statues en une seule pièce ; les plus grandes pièces en terre vernissée du Ligron comme les épis de faitage, les cuves baptismales sont de taille très inférieure ou en plusieurs pièces assemblées. De plus elles sont en terre blanche. Sur ce dernier point, rien n’empêche Nicolas Bouteiller d’avoir façonné sa statuaire en une autre terre que la terre locale des fours de cuisson. Mais les contacts avec Bernard Vitour de Ligron, potier et historien des terres vernissés de Ligron, permet de ré-ouvrir cette hypothèse.
Partie d’une maquetts d’une installation réeelle de fours à terre vernissée du Ligron : four couché et à l’arrière plan avec les mutiples cheminées, four à carneaux.
En effet, d’une part, il existe à Ligron, au lieu-dit la Samsonnière un filon de terre rosée. D’autre part, les statues sont présentées par les Monuments historiques comme étant creuses, dotées d’évents, et ayant un revers plat : Elles pouvaient à ce titre parfaitement être cuites à plat, sur un lit de sable blanc – généralement issu de la Chapelle saint Martin- qui permettait aux gaz des évents de s’échapper dans un four couché de potier ou un four à carneaux (de fumée) destinés aux plus belles pièces et produisant moins de cendre, tels qu’il en existait au Ligron. Les fours sont longs à défaut d’être hauts. Il convient de noter que le village natal de Nicolas Bouteiller, Mareil sur Loir, se trouve à quelques kilomètres de Ligron qui était le plus ancien et le plus grand centre régional de production de poteries en terre cuite à cette époque : les poteries de Malicorne s’en sont largement inspirées et n’apparaissent qu’au XVIIIème siècle.
Un élément décisif pour l’attribution du Ligron comme lieu de cuisson, serait de savoir si Sébastien de la Bouillerie s’appuie sur un élément figurant aux archives qui lui ont permis cette attribution, assez insistante. Cette information renouvèlerait non seulement l’histoire technique locale de la cuisson des statuaires religieuses, mais ouvrirait également le champ des réalisations en terre au Ligron. Recherche en cours.
Bibliographie :
François LE BŒUF : Dans le sillage du grand Pierre Biardeau, Nicolas Bouteiller (1630-1696), sculpteur et retablier à La Flèche, p 38-51 in Revue 303 Arts, Recherches et créations N° LV, 1997.
François LE BŒUF : Nicolas BOUTEILLER, p 214-223 in Terre et Ciel, la sculpture en terre cuite du Maine XVIème et XVIIème siècles, Cahiers du patrimoine 66 , Monum, Editions du patrimoine , 2003
Sébastien de la BOUILLERIE : Bazouges sur Le Loir, son église et ses fiefs, [Extrait de la Revue Historique et Archéologique du Maine, Tome XV-1884] Mamers, Typographie de G Fleury et A. Dangin, 1884.
VITOUR Bernard : Les terres vernissées de Ligron Sarthe, ITF imprimeurs, Mulsanne, 2018-979-10-699- 2399-7, 2018.
François LE BŒUF : Dans le sillage du grand Pierre Biardeau, Nicolas Bouteiller (1630-1696), sculpteur et retablier à La Flèche, p 38-51 in Revue 303 Arts, Recherches et créations N° LV, 1997.
François LE BŒUF : Nicolas BOUTEILLER, p 214-223 in Terre et Ciel, la sculpture en terre cuite du Maine XVIème et XVIIème siècles, Cahiers du patrimoine 66 , Monum, Editions du patrimoine , 2003
Sébastien de la BOUILLERIE : Bazouges sur Le Loir, son église et ses fiefs, [Extrait de la Revue Historique et Archéologique du Maine, Tome XV-1884] Mamers, Typographie de G Fleury et A. Dangin, 1884.
VITOUR Bernard : Les terres vernissées de Ligron Sarthe, ITF imprimeurs, Mulsanne, 2018-979-10-699- 2399-7, 2018.
Saint Jean-Baptiste (hauteur 119 cm, largeur 40 cm ; profondeur 40 cm)
La statue de Saint Jean-Baptiste occupe la niche gauche du retable. Sébastien de la Bouillerie rappelle que la statue d’origine de cette niche représentait Saint Augustin, offerte par une paroissienne fortunée, Marie COUSTARD. Cette dernière fut rapidement remplacée par la statue actuelle.
La chapelle septentrionale construite par Jacques GAULTIER, seigneur de Fontaine, vers 1615, fut dédiée par son fondateur, à l’origine, à Saint Jacques et à Saint Jean Baptiste.
La terre cuite, modelée par Nicolas Bouteiller, est rosée ; elle est visible, mais moins nettement que sur la Sainte Marthe de Béthanie de la niche droite. Elle est composée d’un seul élément, ce qui est une caractéristique rare à l’époque. L’intérieur est creux, le revers plat et deux évents sont visibles qui ont permis de laisser s’échapper les gaz lors de la cuisson. La présence d’un autre évent au sommet de la tête reste à vérifier.
La fiche des Monuments Historiques indique à juste titre que les lanières de sandales sont en relief, ce qui est vérifiable : mais sur une seule sandale, le second pied est nu.
La statue est polychrome ; elle a probablement été surpeinte au XIXème siècle, lors de la restauration du retable, selon les couleurs discernables d’origine. Elle est en bon état général de conservation : La terrasse est brisée à deux endroits, une phalange de l’index de la main gauche est manquante ; la main a été réparée au plâtre.
La représentation de saint Jean Baptiste est conforme aux canons : il est le précurseur prêchant dans le désert de Judée ; il est la voix qui crie dans le désert, annoncé par le prophète Isaïe, celui qui se nourrit de miel et de sauterelles. S’il n’est pas appuyé sur un bâton cruciforme en roseau, c’est probablement parce que cet attribut était trop fragile pour une sculpture en terre cuite. A moins que la main gauche réparée au plâtre n’ait été en position de tenir un bâton de roseau disparu depuis ?
Luc 7-24 : Qu’êtes-vous allés voir au désert ? un roseau agité par le vent ?
Il porte une unique sandale et le vêtement dépouillé de toute richesse
Luc 7-25 : Mais, qu’êtes-vous allés voir ? un homme vêtu d’habits précieux ?
Il en est de même pour la hache au pied de l’arbre
Matthieu 3.10 : Déjà la cognée est mise à la racine des arbres : tout arbre donc qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu.
Mais sa sandale unique au pied gauche, et surtout sa mélote en poil de chameau – la mélote étymologiquement est une peau de brebis, par extension une peau recouverte de poils de tout animal -, la tunique étroite portée par les bergers et les prophètes, surmontée d’un court manteau permet à tout chrétien de le reconnaitre dans conteste.
Matthieu 3.4 : Jean avait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.
La torsion du torse opposée au mouvement des jambes, l’inclinaison du visage, tout concoure à la dynamique de la sculpture de Nicolas Bouteiller.
Dans la niche centrale du retable méridional, statue de Saint Pierre exécutée par Nicolas BOUTEILLER en 1673. Elle a probablement été surpeinte au XIXème siècle, lors de la restauration du retable. La terre cuite, modelée par Nicolas Bouteiller, n’est pas visible sous la polychromie ; elle est visible, mais moins nettement que sur la Sainte Marthe de Béthanie de la niche droite. Elle est composée d’un seul élément, ce qui est une caractéristique rare à l’époque.
L’intérieur est creux, le revers plat. Au moins un trou d’évent au dos ainsi qu’un autre sur la tête ont permis de laisser s’échapper les gaz lors de la cuisson.
Sébastien de la BOUILLERIE rapporte que cette statue fut offerte par une souscription populaire auprès des Bazougeois.
Dimensions de la statue : Hauteur : 126cm ; largeur = 52 cm ; r = 36 cm
Description : Saint Pierre se tient debout sur une sphère qui se devine en bas du vêtement. Sa main droite tient un livre. Il retient un pan de son vêtement de l’autre main. A ses pieds, sur un coussin, sont posées la tiare papale et les clefs.
Sainte Marthe foulant aux pied la Tarasque : Dans la niche droite du retable méridional, statue de Sainte Marthe de Béthanie exécutée par Nicolas BOUTEILLER en 1673. Une statue de Marie ou Marie-Madeleine l’aurait précédée ; Sébastien de la Bouillerie le rapporte. Mais un doute subsiste, car faut-il le rappeler, les deux saintes sont sœurs et la confusion sur les Marie et les Madeleine dans les textes chrétiens fréquentes.
La statue de Sainte Marthe a probablement été surpeinte au XIXème siècle, lors de la restauration du retable. La terre cuite, rosée, modelée par Nicolas Bouteiller, est visible aux manques de polychromie, notamment sur la tête de la tarasque. Elle est composée d’un seul élément, comme les statues de Saint-Pierre et saint Jean-Baptiste, ce qui est une caractéristique rare à l’époque.
Dimensions de la statue : Hauteur : 119 cm ; largeur : 41 cm ; profondeur 42 cm
L’intérieur est creux, le revers plat. Il y a au moins un trou d’évent sur la tête et d’autres probables au dos, comme pour les deux autres statues du retable, ont permis de laisser s’échapper les gaz lors de la cuisson.
Etat de conservation : on constate des manques de polychromie qui révèlent la couleur de la terre utilisée par Nicolas Bouteiller, rosée. La terrasse a été réparée (au plâtre ?). La main et l’avant-bras droits ont également été remodelés en plâtre.
Description de la statue : Sainte Marthe foule aux pieds la Tarasque et l’asperge d’eau bénite avec son seau et son goupillon. On peut voir la tête polymorphe et une patte griffue du dragon amphibie.
Hypothèse… : La présence proche du Loir et des mariniers pourrait expliquer l’existence de cette statue à Saint Aubin, qui plus dans la partie de l’église et du retable la plus proche du Loir : Marthe a protégé les nautoniers du Rhône et les voyageurs du monstre amphibie qui les dévorait, symbole des dangers de la navigation fluviale. A Bazouges, les bacs des passeurs comme les embarcations des pêcheurs, des mariniers et des particuliers étaient soumis aux aléas, aux crues de la rivière sur laquelle il n’existait pas de pont avant le milieu du XIXème siècle. Les noyades étaient fréquentes, et le danger venait du fond de la rivière, comme le monstre amphibie de la légende provençale : « Il se cachait dans le fleuve d’où il ôtait la vie à tous les passants et submergeait les navires. » écrit Jacques de Voragine dans la Légende Dorée rédigée vers 1261-1266, au milieu du XIIIème siècle, période où la Sainte devint très populaire.
Pour conforter notre hypothèse, la légende rapporte que Sainte Marthe ressuscitait même les noyés : « Elle prêchait un jour auprès d’Avignon, entre la ville et le fleuve du Rhône, et un jeune homme se trouvait de l’autre côté du fleuve, jaloux d’entendre ses paroles, mais dépourvu de barque pour passer, il se dépouilla de ses vêtements et se jeta à la nage ; tout à coup il est emporté par la force du courant et se noie aussitôt. Son corps fut tout juste retrouvé, deux jours après ; on l’apporta aux pieds de sainte Marthe pour qu’elle le ressuscitât. » Les mariniers qui abordaient le port Fauveau à Bazouges pouvaient remonter directement les 50 toises (environ 100 mètres) qui les menaient, au droit, du Loir à l’église Saint Aubin, pour y faire leurs dévotions et prier la sainte de leur épargner la noyade.
On peut imaginer que Joseph LE ROYER, alors curé de Bazouges ait été extrêmement sensible aux dangers de la navigation que ce soit sur le Loir, la Loire menant jusqu’à l’océan mais également pour les colons qui traversaient ce dernier pour gagner Montréal au Canada, selon l’œuvre de son père. Le recrutement de ces colons autour de La Flèche pouvait inclure ses paroissiens bazougeois.
Pour en savoir plus sur Ste Marthe de Béthanie… partie à refermer développer
Marthe de Béthanie est la sœur de Marie de Béthanie et de Lazare le ressuscité. Patronne des maitresses de maison Elle accueille Jésus dans sa maison, active , alors que Marie reste contemplative auprès de Jésus.
LUC 10 – 38/42 :
« 38 Chemin faisant, Jésus entra dans un village. Une femme nommée Marthe le reçut.
39 Elle avait une sœur appelée Marie qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole.
40 Quant à Marthe, elle était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur m’ait laissé faire seule le service ? Dis-lui donc de m’aider. »
41 Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses.
42 Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. »
Tableau de Théodore Chassériau 1852
Mais ce n’est pas cet épisode qui est retranscrit dans la statue du retable de Saint Aubin. Ce n’est paq non plus celui de la sainte témoin de la résurrection de Lazare et de la résurrection du Christ.
Marthe est la Patronne de Tarascon, chasseuse de la Tarasque après avoir pris pied aux Sainte-Marie-de la Mer accompagnée de sa sœur Marie de Béthanie, de Marie Salomé et de Marie Jacobé, de Sidoine et de Maximin. Elle prêche à Marseille, à Avignon puis gagne Tarascon où elle chasse la Tarasque, porteuse des attributs de la soumission, le goupillon et l’eau bénite au sein du seau ; la Tarasque est un dragon amphibie qui terrorisait la population et notamment les nautoniers du Rhône et les voyageurs, selon ce que rapporte La Légende Dorée de Jacques de Voragine :
POL, TEXTE a mettre dans une police ou une couleur de fond différente
« Marthe, qui donna l’hospitalité à Jésus-Christ, descendait de race royale et avait pour père Syrus et pour mère Eucharie. Son père fut gouverneur de Syrie et de beaucoup de pays, situés le long de la mer. Marthe possédait avec sa sœur, et du chef de sa mère, trois châteaux, à savoir Magdalon, Béthanie et une partie de la ville de Jérusalem. On ne trouve nulle part. qu’elle se soit mariée, ni qu’elle ait eu commerce avec aucun homme. Or, cette noble hôtelière servait le Seigneur et voulait que sa sœur le servît aussi; car il lui semblait que ce n’était pas même trop du monde tout entier pour le service d’un hôte si grand. Après l’ascension du Seigneur, quand les apôtres se furent dispersés, elle et son frère Lazare, sa sœur Marie-Magdeleine, ainsi que saint Maximin qui les avait baptisés et auquel elles avaient été confiées par l’Esprit-Saint, avec beaucoup d’autres encore, furent mis par les infidèles sur un navire dont on enleva les rames, les voiles et les gouvernails, ainsi que toute espèce d’aliment. Sous la direction de Dieu, ils arrivèrent à Marseille. De là, ils allèrent au territoire d’Aix où ils convertirent tout le peuple à la foi. Or, sainte Marthe était très éloquente et gracieuse pour tous.
Il y avait, à cette époque, sur les rives du Rhône, dans un bois entre Arles et Avignon, un dragon, moitié animal, moitié poisson, plus épais qu’un bœuf, plus long qu’un cheval, avec des dents semblables à des épées et grosses comme des cornes, qui était armé de chaque côté de deux boucliers; il se cachait dans le fleuve d’où il ôtait la vie à tous les passants et submergeait les navires. Or, il était venu par mer de la Galatie d’Asie, avait été engendré par Léviathan, serpent très féroce qui vit dans l’eau, et d’un animal nommé Onachum, qui naît dans la Galatie : contre ceux qui le poursuivent, il jette, à la distance d’un arpent, sa fiente comme un dard et tout ce qu’il touche, il le brule comme si c’était du feu. A la prière des peuples, Marthe alla dans le bois et l’y trouva mangeant un homme. Elle jeta sur lui de l’eau bénite et lui montra une croix. A l’instant le monstre dompté resta tranquille comme un agneau. Sainte Marthe le lia avec sa ceinture et incontinent il fut tué par le peuple à coups de lames et de pierres. Or, les habitants du pays appelaient ce dragon Tarasque et en souvenir de cet événement ce lieu s’appelle encore Tarascon, au lieu de Nerluc, qui signifie lieu noir, parce qu’il se trouvait là des bois sombres et couverts. Ce fut en cet endroit que sainte Marthe, avec l’autorisation de son maître Maximin et de sa sœur, se fixa désormais et se livra sans relâche à la prière et aux jeûnes. Plus tard après avoir rassemblé un grand nombre de sœurs, elle bâtit une basilique en l’honneur de la bienheureuse vierge Marie. Elle y mena une vie assez dure, s’abstenant d’aliments gras, d’œufs, de fromage et de vin, ne mangeant qu’une fois par jour. Cent fois le jour et autant de fois la nuit, elle fléchissait les genoux.
Elle prêchait un jour auprès d’Avignon, entre la ville et le fleuve du Rhône, et un jeune homme se trouvait de l’autre côté du fleuve, jaloux d’entendre ses paroles, mais dépourvu de barque pour passer, il se dépouilla de ses vêtements et se jeta à la nage ; tout à coup il est emporté par la force du courant et se noie aussitôt. Son corps fut tout juste retrouvé, deux jours après ; on l’apporta aux pieds de sainte Marthe pour qu’elle le ressuscitât. Elle se prosterna seule, les bras étendus en forme de croix sur la terre, et fit cette prière : « O Adonay, Seigneur Jésus-Christ, qui avez autrefois ressuscité mon frère Lazare, votre ami, mon cher hôte, ayez égard à la foi de ceux qui m’entourent et ressuscitez cet enfant. » Elle prit par la main ce jeune homme qui se leva aussitôt et reçut le saint baptême.
Eusèbe rapporte au VIIe livre de son Histoire ecclésiastique, que l’Hémorrhoïsse, après avoir, été guérie, fit élever dans sa cour ou son verger, une statue à la ressemblance de Jésus-Christ, avec une robe et sa frange, comme elle l’avait vu, et elle avait pour cette tarage une grande vénération. Or, les herbes croissant aux pieds de la statue et qui n’étaient bonnes à rien auparavant, dès lors qu’elles atteignaient à la frange, acquéraient une telle vertu que beaucoup d’infirmes qui en faisaient usage étaient guéris. Cette Hémorrhoïsse que le Seigneur guérit, saint Ambroise dit que ce fut sainte Marthe ; Saint Jérôme de son côté rapporte, et l’Histoire tripartite confirme, que Julien l’apostat fit enlever la statue élevée par l’Hémorrhoïsse et y substitua la sienne ; mais la foudre la brisa.
Or, le Seigneur révéla un an d’avance à sainte Marthe le moment de sa mort : et pendant toute cette année, la fièvre ne la quitta point. Huit jours avant son trépas, elle entendit les chœurs des anges qui portaient l’âme de sa sœur au ciel. Elle rassembla aussitôt sa communauté de frères et de sœurs : « Mes compagnons et très doux élèves, leur dit-elle, je vous en prie, réjouissez-vous avec moi, parce que je vois les chœurs des anges portant en triomphe l’âme de ma sœur au trône qui lui a été promis. Ô très belle et bien-aimée sœur, vis avec ton maître et mon hôte dans la demeure bienheureuse ! » Et aussitôt sainte Marthe, pressentant sa mort prochaine, avertit ses gens d’allumer des flambeaux autour d’elle et de veiller jusqu’à son trépas. Au milieu de la nuit qui précéda le jour de sa mort, ceux qui la veillaient s’étant laissé appesantir par le sommeil, un vent violent s’éleva et éteignit toutes les lumières, et la sainte qui vit une foule d’esprits malins, prononça cette prière : « Ô Dieu, mon père, mon hôte chéri, mes séducteurs se sont rassemblés pour me dévorer ; ils tiennent écrites à la main les méchancetés que j’ai commises : mon Dieu, ne vous éloignez pas de moi, mais venez à mon aide. »
Et voilà qu’elle vit sa sœur venir à elle; elle tenait à la main une torche avec laquelle elle alluma les flambeaux et les lampes : et tandis qu’elles s’appelaient chacune par leur nom, voici que Jésus-Christ vint et dit : « Venez, hôtesse chérie, et où je suis, vous y serez avec moi. Vous m’avez reçu dans votre maison, et moi je vous recevrai dans mon paradis ; ceux qui vous invoqueront, je les exaucerai par amour pour vous. » L’heure de sa mort approchant, elle se fit transporter dehors, afin de pouvoir regarder le ciel ; et elle ordonna qu’on la posât par terre sur de la cendre ; ensuite qu’on lui tînt une croix devant elle : et elle fit cette prière : « Mon cher hôte, gardez votre pauvre petite servante ; et comme vous avez daigné demeurer avec moi, recevez-moi de même dans votre céleste demeure. » Elle se fit ensuite lire la Passion selon saint Luc, et quand on fut arrivé à ces mots : « Mon père, je remets mon âme entre vos mains », elle rendit l’esprit. Le jour suivant qui était un dimanche, comme on célébrait les laudes auprès de son corps, vers l’heure de tierce, Notre-Seigneur apparut à saint Front qui célébrait la messe à Périgueux, et qui, après l’épître, s’était endormi sur sa chaire: « Mon cher Front, lui dit-il, si vous voulez accomplir ce que vous avez autrefois promis à notre hôtesse, levez-vous vite et suivez-moi. » Saint Front ayant obéi à cet ordre, ils vinrent ensemble en un instant à Tarascon où ils chantèrent des psaumes autour du corps de sainte Marthe et firent tout l’office, les autres leur répondant ; ensuite ils placèrent de leurs mains son corps dans le tombeau. Mais à Périgueux, quand on eut terminé ce qui était à chanter, le diacre qui devait lire l’évangile, ayant éveillé l’évêque en lui demandant la bénédiction, celui-ci répondit à moitié endormi : « Mes frères, pourquoi me réveillez-vous ? Notre-Seigneur Jésus-Christ m’a conduit où était le corps de Marthe, son hôtesse, et nous lui avons donné la sépulture : envoyez-y vite des messagers pour nous rapporter notre anneau d’or et nos gants gris que j’ai ôtés afin de pouvoir ensevelir le corps ; je les ai remis au sacriste et les ai laissés par oubli, car vous m’avez éveillé si vite ! »
On envoya donc des messagers qui trouvèrent tout ainsi que l’évêque avait dit ; ils rapportèrent l’anneau et un seul gant, car le sacriste retint l’autre comme preuve de ce qui s’était passé. Saint Front ajouta encore : « Comme nous sortions de l’église après l’inhumation, un frère de ce lieu, qui était habile dans les lettres, nous suivit pour demander au Seigneur de quel nom il l’appellerait. Le Seigneur ne lui répondit rien, mais il lui montra un livre qu’il tenait tout ouvert à la main, dans lequel rien autre chose n’était écrit que ce verset : « La mémoire de mon hôtesse qui a été pleine de justice sera éternelle ; elle n’aura pas à craindre d’entendre des paroles mauvaises au dernier jour. » Le frère, qui parcourut chaque feuillet du livre, y trouva ces mots écrits à chaque page. Or, comme il s’opérait beaucoup de miracles au tombeau de sainte Marthe, Clovis, roi des Francs, qui s’était fait chrétien et qui avait été baptisé par saint Remy, souffrait d’un grand mal de reins ; il vint donc au tombeau de la sainte et y obtint une entière guérison. C’est pourquoi il dota ce lieu, auquel il donna une terre d’un espace de trois milles à prendre autour sur chacune des rives du Rhône, avec les métairies et les châteaux, en affranchissant le tout. Or, Manille, sa servante, écrivit sa vie ; ensuite elle alla dans l’Esclavonie où, après avoir prêché l’évangile, elle mourut en paix dix ans après le décès de sainte Marthe. »
Traduction en français contemporain de l’Abbé J.-B. M. Roze in La Légende Dorée de Jacques de VORAGINE. Nouvellement traduites en Français avec Introduction, Notices, Notes et Recherches sur les Sources par l’Abbé J.-B. M. ROZE (3 volumes), Édouard Rouveyre, Paris, 1902.
Son tombeau et ses reliques sont conservés au sein de la Collégiale Royale de Tarascon où elle fut particulièrement vénérée par les papes, les rois de France de Clovis à Saint Louis, et même par les deux empereurs Napoléon 1er et Napoléon III. Marthe est célébrée tant dans l’Église orthodoxe, que dans l’Église catholique et dans l’Église luthérienne.
Buste–reliquaire de sainte Marthe dans la chapelle des Reliques de la collégiale Sainte-Marthe de Tarascon
Détails montant la face de la tarasque et sa patte griffue, les nodosités de sa peau, ses yeux et sa gueule rouges, la polychromie et la terre rosée aux manques de polychromie.
Sur la contre-table figure une représentation XIXème de Saint Joseph, en trompe l’œil, substituée à un tableau disparu du peintre angevin Jean ERNOUL. Ce dernier avait également peint deux toiles également disparu dans les cartouches en couronnement des ailes du retable.
Châsse de saint Vénérand, sainte Perpétue et saint Julien au pied de l’autel du retable (XIXe ?)
Bibliographie :
François LE BŒUF : Dans le sillage du grand Pierre Biardeau, Nicolas Bouteiller (1630-1696), sculpteur et retabler à La Flèche, p 38-51 in Revue 303 Arts, Recherches et créations N° LV, 1997.
François LE BŒUF : Nicolas BOUTEILLER, p 214-223 in Terre et Ciel, la sculpture en terre cuite du Maine XVIème et XVIIème siècles, Cahiers du patrimoine 66, Monum, Editions du patrimoine, 2003.
Jacques SALBERT : Les ateliers des retabliers lavallois aux XVIIe et XVIIIe siècles : Etude historique et artistique. Université de Haute Bretagne. Institut armoricain de recherches historiques de Rennes. Librairie C. Klincksieck, 1976.
Michèle MENARD : Une histoire des mentalités religieuses aux XVIIe et XVIIIe siècles. Mille retables de l’ancien diocèse du Mans. Préface de Pierre Chaunu. Beauchesne éditeur, 1980.
Victor-L. TAPIE, Jean-Paul LE FLEM, Annick PARDAILHE-GALABRUN : Retables baroques de Bretagne et spiritualité du XVIIe siècles. Publications de la Sorbonne. Presse Universitaires de France, 1972.
Pierre-Yves LE POGAM, assisté de Christine VIVET-PECLET : Les Premiers retables (XIIe-Début du XVe siècle) Une mise en scène du sacré. Musée du Louvre Edition, 2009.
Association BUHEZ : L’art et la matière : restauration des sculptures polychrome en Bretagne. Editions Apogée, 1997.
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